Il était une fois, un automate.
Un petit automate, tout petit, habillé en garde, comme des centaines et des milliers d’automates de par les centaines et les milliers de magasins de jouets à travers le monde.
C’était un automate ni triste ni gai, ni joyeux ni impatient, ni joueur ni fainéant, et pour cause : c’était un automate.
Un soir qu’il était là, posé dans sa vitrine, il vit passer près de lui une souris. Oh bien sûr, ce n’était pas la première fois, mais celle-ci courrait vite, et presque le renversa ! C’est parce qu’elle était coursée par Mister Culpepper, le chat du vendeur. L’énorme matou joueur eut tôt fait d’attraper le rongeur, de le déchirer comme une balle de papier, et d’aussi vite s’en lasser et de laisser là l’animal rendu à son sort.
C’est alors que notre automate vit rouler vers lui comme une bille, sortie de la souris. Elle était rouge rubis, bien rouge et ronde, luisante et appétissante comme un bonbon, et toute palpitante comme un gros bourdon. L’automate s’en saisit, il constata que la bille était molle et chaude aussi, et comme elle lui faisait envie … il l’avala.
Comme ça.
Sans trop savoir pourquoi.
Et d’ailleurs, ça ne lui fit pas grand-chose.
Enfin si, c’était chaud dedans lui.
Et ça bourdonnait aussi.
Et une drôle de chose semblait trottiner dans sa tête de garde. Comme une petite souris, une toute petite souris.
Mais sans plus chercher à comprendre, notre automate s’endormit.
Le lendemain fut pour lui un grand jour : on l’enleva de sa vitrine où presque toute sa vie durant il avait vu passer des gens et des gens, des nez et des yeux, des bouches et des sourires, des larmes et des doigts, et soudain, pour la première fois, il en sentit autour de lui. Et il ressentit de la joie. Et à mesure qu’il songeait que jamais, jamais !, il n’avait ressenti de la joie, sa petite bille rouge bourdonna.
Que c’était chaud, que c’était gai, de voir ainsi du pays et de voyager ! Et toutes ces souris étranges qui dans sa tête galopaient, dans sa tête où jamais personne n’était passé !
Comme il avait hâte maintenant de marcher par lui-même, de sentir de nouveau ses bras bouger, 1-2, ses jambes avancer, 1-2, et sa tête tourner de gauche et droite dans un univers étranger.
Et il fallait pour cela que sa petite clé, sa toute petite clé fut tournée.
Au magasin, parfois, on le faisait marcher, pour que les gens aient envie de l’acheter. C’était plaisant, d’avancer, avancer, de sentir se dérouler les petites chaînes reliées à la clé. Le tremblotement léger parcourant tout le corps.
Et l’automate sentit que le moment était venu. Des petits doigts humides se posèrent quelque part dans son dos, ça allait être rigolo.
Mais ça n’était pas rigolo.
La clé tournait, tournait, et la petite bille rouge vrombissait, vrombissait, étouffée qu’elle était par les chainons et les petites roues dentelées. Et les souris dans la tête de l’automate courraient dans tous les sens, affolées, lui griffant l’intérieur de leurs petites pattes acérées.
Et quand la clé se tourna à rebours, obligeant notre automate à avancer coûte que coûte, la petite bille bourdonna plus fort, et les souris poussèrent de minuscules petits cris stridents, et l’automate voulut crier lui aussi, et pleurer, et tomber par terre pour ne plus se relever, mais ses jambes avançaient, avançaient, et ses bras se balançaient, et sa tête tournait, et ça ne s’arrêtait pas, et ça n’avait plus rien de rigolo.
Et le lendemain, ça recommençait encore. Il n’y avait bien que quand il dormait que les souris se calmaient, que la petite bille bourdonnait, mais l’automate désormais vivait ces instants dans la peur que la marche infernale ne recommence, et il se maudissait d’avoir avalé cette maudite bille qu’il ne parvenait pas à recracher.
Les journées passèrent, toutes plus semblables à un enfer.
Mais le lendemain du jour d’avant fut un grand jour : la clé tourna, une fois, deux fois, et la petite bille rouge éclata. Et en éclatant, elle défit les chainons qui s’y étaient fondus. La petite clé tournait dans le vide, et l’automate ne marcherait plus. Et les souris étaient parties.
On le jeta sur le sol, et on put voir un peu de sirop rouge couler de la bouche et des yeux de l’automate. Oh bien sûr l’automate ne saignait pas lui. C’était seulement le petit cœur de la souris.
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