Le visage sale, les yeux dans le vent,
je regarde s'éloigner les gens ; les gens qui ont l'air
toujours heureux, toujours contents, jamais en-dedans. Où est mon
cimetière, où sont mes vers, ma belle assurance et mon jardin hanté
qui me protégeaient de tout ? Je feins d'ignorer ce qu'avant
j'embrassais, et je ne sais pas pourquoi, pourquoi je suis devenue
comme ça. D'abord la tête sans corps, à droite dans le mien,
attachée à tout, dentées de quenottes de lait, que j'aurais pu
laisser me dévorer. J'aurais pu renoncer. Et le corps … le corps
avec sa tête, ses jambes, ses bras, ses racines et ses branches
tournées vers le bas. L'homme dans la femme que je fus, peut-être
seulement, à ce moment-là. J'aurais pu renoncer à tout ça, la
chaleur, le confort, le foyer ouaté d'où j'observe un monde qui ne
me regarde plus. Voilà, vieillir c'est ça, tuer et enterrer ce que
l'on croyait être, réaliser que nous ne sommes qu'un lâche de plus
sur une terre qui les fait comme des pommes un pommier. Les rides
sèches aux coins des yeux, les yeux tombants qui contemplent un
nombril flasque. Où est le beau, où est le vrai ? Où est
cette vie de chair et de sang que je croyais pouvoir dévorer ?
Le fracassant déluge de rien s'abat, chaque jour, sur ma tête qui
se fane
.
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