vendredi 13 décembre 2013
dimanche 8 décembre 2013
vendredi 6 décembre 2013
Le petit cimetière étrange de Cumberbach
Connaissez-vous le charmant petit village de Cumberbach ? Niché dans les hauteurs de la ville de Shmoll, à quelques kilomètres à peine de la commune de la Butte, qui a vu naître le grand écrivain Phillibert Sauvenargue de la Butte ? Non ? C'est bien dommage. Mais si vous en avez l'occasion, un de ces jours, n'hésitez pas à aller y faire un tour, vous y trouverez un charmant belvédère qui domine toute la vallée shmollienne, une adorable placette où se tient tous les samedis matins, dans le poudroiement frais des platanes, une brocante-vide-grenier-braderie-loto-bingo-kermesse, et non loin de là la chapelle de Notre-Dame-du-Caillou dont les premières pierres furent posées il y a au moins un siècle, si ce n'est deux. Et puis bien sûr, derrière l'église, légèrement en contrebas, le petit cimetière, le fameux petit cimetière de Cumberbach.
Pourquoi fameux me demanderez-vous ? Et bien jugez plutôt : il y a des années, un siècle peut-être, voire même deux, on raconte que le maire du village perdit le même jour son épouse adorée et sa petite fille encore plus adorée dans un atroce accident de train (ou était-ce de cheval ? Enfin quelque chose qui circulait en ce temps-là ...), et, qu'inconsolable, il supplia le prêtre de lui permettre de garder près de lui, à porter de mains et de baisers, les corps de ses deux petites chéries. Bien sûr l'homme d'église refusa, vous n'y pensez pas ! Priver la chair de votre chair de la terre sainte, risquer leur âme au moment du Jugement Dernier, encourir la colère divine et le châtiment divin, sans parler de la puanteur des cadavres en décomposition bon sang de bois !!
Mais le maire pleurnicha, chouina, supplia, se roula dans la poussière et dans sa propre morve les mains jointes en prière, sous l'embarras grandissant du Père Mornecroix (c'était le nom du prêtre), : "juste leurs têtes ! Leurs têtes mignonnes ! Leurs têtes adorables ! Une main ! Juste une main ! Une main douce et toute dodue ... un doigt ! Un petit doigt mutin à serrer près de moi ! Je vous en supplie, un lobe d'oreille, un téton !!". Mornecroix pesta : "il suffit !", et Monsieur Millemule (c'était le nom du maire) changea trois fois de couleur avant de traverser l'adorable placette en vociférant, crachant, pestant, pour finir par s'enfermer à triple tour et moultes planchettes en bois avec les corps déjà bien roides et bien froids de ses deux trésors. Il jura à travers la cloison que nul ne les lui prendrait, foi de Millemule !
Bien vite, ceux qui n'eurent pas vent de la rumeur en humèrent l'odeur, et tout le village se partagea entre consternation et apitoiement pour ce pauvre Monsieur Millemule qui cajolait ses mortes puantes toute la sainte journée. Les villageois pour la plupart désertèrent le camp de Dieu pour celui de la charité humaine, car les plus jeunes s'imaginaient, et les plus vieux se souvenaient, de la douleur que cela était de perdre un être cher. Car la mise en terre était dans les cœurs comme une seconde mort, celle qui disait : "chaude ou froide, flasque ou raidie, plus jamais tu ne toucheras de cette peau, de ces cheveux, tu ne serreras dans tes bras que ton propre corps dans le souvenir tiédasse de celui qu'il fut". Alors les villageois à leur tour supplièrent le Père Mornecroix de se montrer clément, malgré quelques voix qui s'élevèrent au sujet de l'odeur qui dans le village devenait insoutenable, et une poignée d'imbéciles qui évoquèrent la possibilité de forcer la maison du maire et de le faire interner de force à Louison Goulague, l'hôpital psychiatrique le plus proche.
Inquiet de voir son église déjà bien petite et bien pauvrette se vider de ses ouailles, le Père Mornecroix n'eut d'autre choix que de céder à la vindicte en proposant ce qui lui était venu la veille, dans son bain de siège, comme une épiphanie : enterrer femme et enfant Millemule au cimetière, dans la plus pure et la plus grande tradition chrétienne, MAIS n'envelopper le corps que d'un linceul blanc - comme cela se faisait en des temps immémoriaux - et laisser dépasser de la terre un membre choisi par le veuf éploré : qui une main, qui une touffe de cheveux ... qui, si elles se décomposeraient bien à leur tour, auraient au moins le mérite de laisser les Cumbibi (c'est ainsi que l'on nomme les habitants de Cumberbach) respirer un air moins frelaté, et au maire de venir se consoler de la perte de l'être chair en s'y frottant à son envi.
Le village exulta. L'idée était brillante, le maire ravi, le prêtre soulagé, et l'enterrement de Madame Millemule et de la petite Millemule fut une grande réussite et une immense satisfaction pour le village et pour Monsieur Millemule, qui choisit de conserver en trait d'union entre le monde vivant et celui de la terre le petit pied mutin de son épouse (le gauche) et le petit genou cagneux (mais lui aussi mutin) de son adorable fille.
Il fut juste une poignée d'imbéciles pour s'interroger sur les chiens, et les corbeaux, et autres crétineries qui occupaient si facilement les esprits secs et étriqués.
Dans le doute, on abattit quand même les chiens, et on fit construire aux élèves de l'école Lucille Tirlipon quelques épouvantails à planter ci ou là dans le cimetière, sous le prétexte bienheureux de l'éveil aux joies des travaux manuels, ou, pour certains, de la fête des mères.
Le maire fit des émules. Bientôt, il n'y eut pas une seule veuve éplorée au village qui ne voulut pas que la main ou la calotte de son mari ne dépassa du terreau (il fallut alors enterrer le pauvre bougre à la verticale, cependant que Mornecroix s'évertuait à regarder ailleurs en priant pour le salut de son âme). Pas une seule mère qui ne se griffait le visage en suppliant qu'on laisse émerger de terre la pogne rondouillarde de sa petite morte-née. Certains habitants de Shmoll ayant entendu parler du cimetière vinrent à leur tour quémander qu'on y laissa enterrer l'oncle bedonnant - dont on laisserait dépasser la bedaine -, la grand-mère mélomane - dont on tenterait péniblement de dégager une oreille - le vieux courtisan de la maison de retraite, pour qui on supplia une fois encore Mornecroix de rajouter une exception à l'exception ...
Les tombes de terre croissaient et multipliaient, chassant les concessions de marbre qui furent démolies avec l'approbation de tous - on n'avait jamais aimé ce vieux corniaud ni cette grande salope de Marthe de toute façon - les épouvantails qui avaient le même charmant visage que dans les dessins d'enfants poussaient, se tendaient glorieusement vers le ciel avant de s'avachir pitoyablement au pied d'une main, ou à la tête d'un pied, certains devenus squelettes - vieilles branches d'arbres humains rabougries - d'autres encore pourvus de lambeaux de chair qui faisait la joie et le bonheur des familles le dimanche : "regarde, il a encore la peau de son majeur ! Ce Marius, il nous fera toujours rire !". Le dimanche, et les autres jours d'ailleurs, on assistait toujours au même spectacle : celui d'enfants amusés, de vieux attendris, de jeunes amantes inconsolables, qui se frottaient, se frictionnaient, se bisouillaient des morceaux de leurs chers disparus restés encore, le temps d'une poignée de main ou d'une caresse interdite, parmi eux, vivants bien mortels.
Il fut bien une poignée d'imbéciles pour s'interroger sur les recrudescences de lèpre et autres affections cutanées que l'on croyait, si ce n'est sorties du monde, au moins des amphithéâtres de médecine ...
Dans le doute, on abattit quand même les imbéciles. Les Cumbibi étaient bien trop heureux de savoir que la mort de l'être aimé ne signifiait plus, du moins dans l'écrin de leur charmant village, le renoncement au doux plaisir du contact charnel, si putréfié fut-il, et chacun de son vivant laissait la consigne de la partie de lui-même qu'il souhaitait voir sauvée de la noirceur mate et humide de la terre.
Les années passant, vous vous en doutez, de multiples légendes naquirent de ce cimetière, au même rythme que les épouvantails y tombaient : qui disait que la main de la tombe Millemule, l'instigateur de ce merveilleux phénomène, changeait de direction à chaque fois que la pleine lune rougissait avant 23h, les mois en R. De vieilles dames glissaient à l'oreille des plus jeunes que le gros orteil du Docteur Pissebeau rendait les mâles vigoureux, et la chevelure décatie de l'ancienne matrone du "Bar aux loutres" faisait merveille en tisane pour les acnés tenaces et les sciatiques douloureuses. Plus effrayant, on racontait - et l'on raconte encore - que le fantôme de la jeune morte-en-couches Paloma Friesca hantait le cimetière les soirs d'orage en se lamentant de son nez parfait qui aurait été brisé, ou volé, on ne sut jamais très bien.
Et aujourd'hui me direz-vous ? Eh bien le petit cimetière étrange de Cumberbach a continué de perpétuer son étrange tradition, et si vous prenez le temps un jour (ou une nuit, car le verrou du cimetière fut cassé en même temps que le nez de Paloma Friesca) de visiter ce charmant petit village et son petit cimetière, ne soyez pas surpris d'y trouver des cadavres d'épouvantails, des ossements éparpillés aux quatres vents, des bras, des pieds, des têtes diversement entamées surgissant ça et là entre les racines gonflées de sève des gros cyprès, et prenez le temps de vous recueillir sur la tombe de Monsieur Millemule, et puis sur la mienne aussi, à qui il fut laissée une main sortie, un crayon et une feuille pour vous raconter cette histoire, et d'autres à venir ...
Pourquoi fameux me demanderez-vous ? Et bien jugez plutôt : il y a des années, un siècle peut-être, voire même deux, on raconte que le maire du village perdit le même jour son épouse adorée et sa petite fille encore plus adorée dans un atroce accident de train (ou était-ce de cheval ? Enfin quelque chose qui circulait en ce temps-là ...), et, qu'inconsolable, il supplia le prêtre de lui permettre de garder près de lui, à porter de mains et de baisers, les corps de ses deux petites chéries. Bien sûr l'homme d'église refusa, vous n'y pensez pas ! Priver la chair de votre chair de la terre sainte, risquer leur âme au moment du Jugement Dernier, encourir la colère divine et le châtiment divin, sans parler de la puanteur des cadavres en décomposition bon sang de bois !!
Mais le maire pleurnicha, chouina, supplia, se roula dans la poussière et dans sa propre morve les mains jointes en prière, sous l'embarras grandissant du Père Mornecroix (c'était le nom du prêtre), : "juste leurs têtes ! Leurs têtes mignonnes ! Leurs têtes adorables ! Une main ! Juste une main ! Une main douce et toute dodue ... un doigt ! Un petit doigt mutin à serrer près de moi ! Je vous en supplie, un lobe d'oreille, un téton !!". Mornecroix pesta : "il suffit !", et Monsieur Millemule (c'était le nom du maire) changea trois fois de couleur avant de traverser l'adorable placette en vociférant, crachant, pestant, pour finir par s'enfermer à triple tour et moultes planchettes en bois avec les corps déjà bien roides et bien froids de ses deux trésors. Il jura à travers la cloison que nul ne les lui prendrait, foi de Millemule !
Bien vite, ceux qui n'eurent pas vent de la rumeur en humèrent l'odeur, et tout le village se partagea entre consternation et apitoiement pour ce pauvre Monsieur Millemule qui cajolait ses mortes puantes toute la sainte journée. Les villageois pour la plupart désertèrent le camp de Dieu pour celui de la charité humaine, car les plus jeunes s'imaginaient, et les plus vieux se souvenaient, de la douleur que cela était de perdre un être cher. Car la mise en terre était dans les cœurs comme une seconde mort, celle qui disait : "chaude ou froide, flasque ou raidie, plus jamais tu ne toucheras de cette peau, de ces cheveux, tu ne serreras dans tes bras que ton propre corps dans le souvenir tiédasse de celui qu'il fut". Alors les villageois à leur tour supplièrent le Père Mornecroix de se montrer clément, malgré quelques voix qui s'élevèrent au sujet de l'odeur qui dans le village devenait insoutenable, et une poignée d'imbéciles qui évoquèrent la possibilité de forcer la maison du maire et de le faire interner de force à Louison Goulague, l'hôpital psychiatrique le plus proche.
Inquiet de voir son église déjà bien petite et bien pauvrette se vider de ses ouailles, le Père Mornecroix n'eut d'autre choix que de céder à la vindicte en proposant ce qui lui était venu la veille, dans son bain de siège, comme une épiphanie : enterrer femme et enfant Millemule au cimetière, dans la plus pure et la plus grande tradition chrétienne, MAIS n'envelopper le corps que d'un linceul blanc - comme cela se faisait en des temps immémoriaux - et laisser dépasser de la terre un membre choisi par le veuf éploré : qui une main, qui une touffe de cheveux ... qui, si elles se décomposeraient bien à leur tour, auraient au moins le mérite de laisser les Cumbibi (c'est ainsi que l'on nomme les habitants de Cumberbach) respirer un air moins frelaté, et au maire de venir se consoler de la perte de l'être chair en s'y frottant à son envi.
Le village exulta. L'idée était brillante, le maire ravi, le prêtre soulagé, et l'enterrement de Madame Millemule et de la petite Millemule fut une grande réussite et une immense satisfaction pour le village et pour Monsieur Millemule, qui choisit de conserver en trait d'union entre le monde vivant et celui de la terre le petit pied mutin de son épouse (le gauche) et le petit genou cagneux (mais lui aussi mutin) de son adorable fille.
Il fut juste une poignée d'imbéciles pour s'interroger sur les chiens, et les corbeaux, et autres crétineries qui occupaient si facilement les esprits secs et étriqués.
Dans le doute, on abattit quand même les chiens, et on fit construire aux élèves de l'école Lucille Tirlipon quelques épouvantails à planter ci ou là dans le cimetière, sous le prétexte bienheureux de l'éveil aux joies des travaux manuels, ou, pour certains, de la fête des mères.
Le maire fit des émules. Bientôt, il n'y eut pas une seule veuve éplorée au village qui ne voulut pas que la main ou la calotte de son mari ne dépassa du terreau (il fallut alors enterrer le pauvre bougre à la verticale, cependant que Mornecroix s'évertuait à regarder ailleurs en priant pour le salut de son âme). Pas une seule mère qui ne se griffait le visage en suppliant qu'on laisse émerger de terre la pogne rondouillarde de sa petite morte-née. Certains habitants de Shmoll ayant entendu parler du cimetière vinrent à leur tour quémander qu'on y laissa enterrer l'oncle bedonnant - dont on laisserait dépasser la bedaine -, la grand-mère mélomane - dont on tenterait péniblement de dégager une oreille - le vieux courtisan de la maison de retraite, pour qui on supplia une fois encore Mornecroix de rajouter une exception à l'exception ...
Les tombes de terre croissaient et multipliaient, chassant les concessions de marbre qui furent démolies avec l'approbation de tous - on n'avait jamais aimé ce vieux corniaud ni cette grande salope de Marthe de toute façon - les épouvantails qui avaient le même charmant visage que dans les dessins d'enfants poussaient, se tendaient glorieusement vers le ciel avant de s'avachir pitoyablement au pied d'une main, ou à la tête d'un pied, certains devenus squelettes - vieilles branches d'arbres humains rabougries - d'autres encore pourvus de lambeaux de chair qui faisait la joie et le bonheur des familles le dimanche : "regarde, il a encore la peau de son majeur ! Ce Marius, il nous fera toujours rire !". Le dimanche, et les autres jours d'ailleurs, on assistait toujours au même spectacle : celui d'enfants amusés, de vieux attendris, de jeunes amantes inconsolables, qui se frottaient, se frictionnaient, se bisouillaient des morceaux de leurs chers disparus restés encore, le temps d'une poignée de main ou d'une caresse interdite, parmi eux, vivants bien mortels.
Il fut bien une poignée d'imbéciles pour s'interroger sur les recrudescences de lèpre et autres affections cutanées que l'on croyait, si ce n'est sorties du monde, au moins des amphithéâtres de médecine ...
Dans le doute, on abattit quand même les imbéciles. Les Cumbibi étaient bien trop heureux de savoir que la mort de l'être aimé ne signifiait plus, du moins dans l'écrin de leur charmant village, le renoncement au doux plaisir du contact charnel, si putréfié fut-il, et chacun de son vivant laissait la consigne de la partie de lui-même qu'il souhaitait voir sauvée de la noirceur mate et humide de la terre.
Les années passant, vous vous en doutez, de multiples légendes naquirent de ce cimetière, au même rythme que les épouvantails y tombaient : qui disait que la main de la tombe Millemule, l'instigateur de ce merveilleux phénomène, changeait de direction à chaque fois que la pleine lune rougissait avant 23h, les mois en R. De vieilles dames glissaient à l'oreille des plus jeunes que le gros orteil du Docteur Pissebeau rendait les mâles vigoureux, et la chevelure décatie de l'ancienne matrone du "Bar aux loutres" faisait merveille en tisane pour les acnés tenaces et les sciatiques douloureuses. Plus effrayant, on racontait - et l'on raconte encore - que le fantôme de la jeune morte-en-couches Paloma Friesca hantait le cimetière les soirs d'orage en se lamentant de son nez parfait qui aurait été brisé, ou volé, on ne sut jamais très bien.
Et aujourd'hui me direz-vous ? Eh bien le petit cimetière étrange de Cumberbach a continué de perpétuer son étrange tradition, et si vous prenez le temps un jour (ou une nuit, car le verrou du cimetière fut cassé en même temps que le nez de Paloma Friesca) de visiter ce charmant petit village et son petit cimetière, ne soyez pas surpris d'y trouver des cadavres d'épouvantails, des ossements éparpillés aux quatres vents, des bras, des pieds, des têtes diversement entamées surgissant ça et là entre les racines gonflées de sève des gros cyprès, et prenez le temps de vous recueillir sur la tombe de Monsieur Millemule, et puis sur la mienne aussi, à qui il fut laissée une main sortie, un crayon et une feuille pour vous raconter cette histoire, et d'autres à venir ...
lundi 18 novembre 2013
Ritournelle.
D'abord, une piqûre. Droit dans le cœur. Et comme un coup d'épée dans une eau glaciale, des ondes de gel parcourant ma poitrine, là, juste derrière mon sein.
Ensuite, une cavalcade de pensées, d'images, d'impressions fugitives et affolées, comme un essaim de guêpes où l'on aurait frappé.
Le corps enfin. Moite, pétrifié, de plomb. La lippe ballante, le souffle coincé au fond de la gorge, en forme de petite balle dure.
J'aurais voulu courir vers lui, le serrer dans mes bras, pleurer dans ses bras, me perdre dans ses bras ; j'aurais voulu faire semblant de ne pas l'avoir vu et poursuivre ma route, plus superbe que jamais, sous son regard que j'aurais voulu ébahi ; j'aurais voulu marcher vers lui d'un pas ferme et souple tel un félin verrouillant sa proie, et le gifler d'une force élastique, monumentale, j'aurais voulu ... J'aurais voulu qu'il vienne, et qu'il tombe à genoux. J'aurais voulu qu'il parte, et disparaisse dans un trou.
Mais je suis restée là, et lui a continué son chemin. L'expression vaguement peinée de son visage glissant calmement sur ses traits, pour ne plus rien me livrer de son âme. La figure fermée, le regard plus fuyant encore que son pas.
J'étais rentrée dans le corps de cet homme aussi profondément qu'il était rentré dans le mien. L'abandon furieux des gens amoureux.
Et voilà qu'à cet instant précis, bien plus encore que le jour où je lui avais dit adieu, nous étions devenus des étrangers l'un pour l'autre. Feignant l'indifférence, tentant de se convaincre que nous la ressentions vraiment, victimes placides et froides d'un excès de choses, de mots, et de désirs, forcés de reconnaître que le silence seul avait encore une chance d'exister entre nous.
Chacun vit à présent dans le fantasme de l'autre, écrasé le plus possible par les traits d'autres gens. D'une autre personne. Chacun se convainc qu'il a oublié l'autre, et chacun se persuade que les souvenirs qui persistent à se rejouer soirs après soirs ne sont pas des regrets.
Ensuite, une cavalcade de pensées, d'images, d'impressions fugitives et affolées, comme un essaim de guêpes où l'on aurait frappé.
Le corps enfin. Moite, pétrifié, de plomb. La lippe ballante, le souffle coincé au fond de la gorge, en forme de petite balle dure.
J'aurais voulu courir vers lui, le serrer dans mes bras, pleurer dans ses bras, me perdre dans ses bras ; j'aurais voulu faire semblant de ne pas l'avoir vu et poursuivre ma route, plus superbe que jamais, sous son regard que j'aurais voulu ébahi ; j'aurais voulu marcher vers lui d'un pas ferme et souple tel un félin verrouillant sa proie, et le gifler d'une force élastique, monumentale, j'aurais voulu ... J'aurais voulu qu'il vienne, et qu'il tombe à genoux. J'aurais voulu qu'il parte, et disparaisse dans un trou.
Mais je suis restée là, et lui a continué son chemin. L'expression vaguement peinée de son visage glissant calmement sur ses traits, pour ne plus rien me livrer de son âme. La figure fermée, le regard plus fuyant encore que son pas.
J'étais rentrée dans le corps de cet homme aussi profondément qu'il était rentré dans le mien. L'abandon furieux des gens amoureux.
Et voilà qu'à cet instant précis, bien plus encore que le jour où je lui avais dit adieu, nous étions devenus des étrangers l'un pour l'autre. Feignant l'indifférence, tentant de se convaincre que nous la ressentions vraiment, victimes placides et froides d'un excès de choses, de mots, et de désirs, forcés de reconnaître que le silence seul avait encore une chance d'exister entre nous.
Chacun vit à présent dans le fantasme de l'autre, écrasé le plus possible par les traits d'autres gens. D'une autre personne. Chacun se convainc qu'il a oublié l'autre, et chacun se persuade que les souvenirs qui persistent à se rejouer soirs après soirs ne sont pas des regrets.
jeudi 14 novembre 2013
mercredi 9 octobre 2013
vendredi 4 octobre 2013
Aventine
http://www.youtube.com/watch?v=6h9XUYj96ho
Bien sûr que je me rappelle de
ta main dans la mienne. Bien sûr, je n'étais plus tout à fait là
déjà, mais j'ai emporté dans mon voyage cette sensation. Humaine,
si terrienne. La seule dont je puisse encore me rappeler aujourd'hui,
là où je suis, de là où je t'écris. Je t'entends m'appeler tous
les jours. Ne crois pas que je t'ignore parce que je ne te réponds
pas, je suis là, mais tu ne m'entends pas. Tu ne serais pas
d'accord, mais je pense que c'est mieux comme ça ... Un jour tu
arrêteras de m'appeler. Un jour tu rangeras mes bijoux et mes
écharpes dans la grande boîte que ta mère m'avait offert, et un
jour plus loin tu rangeras la boîte. Je sais bien que tu te débats
contre cette idée, mais demain n'est pas encore aujourd'hui ... et
aujourd'hui tu pleures. Tu trouves que tout est gris, que la
nourriture que tu te forces à avaler a un goût de cendres, que les
gens sont stupides et ne savent dire que des choses stupides.
Stupides et inutiles. Je sais aussi que tu me hais. Ce jour de mai
j'ai capturé dans mon coeur et dans mon âme une partie de toi dont
tu savais que jamais je ne te la rendrai. Tu m'en as voulu n'est-ce
pas ? ... tu as prétendu que cela ne te faisait rien, que je pouvais
la garder, que tu n'avais pas d'âme, pas de coeur. Rien. Et puis je
t'ai laissé te faire à l'idée, je t'ai promis que jamais je ne
m'enfuierai, que jamais je ne t'abîmerai. Mais tu sais bien que
quand on aime, on promet toujours ... comme les collines de Rome, que
l'on devait photographier à l'automne. Et moi je sais bien que ce
n'était pas de ta faute ... La vie n'est pas la partie la plus
simple de notre existence. Ce que nous soupçonnions existe bel et
bien, cette lettre en est la preuve, même si hélas je ne peux te la
confier qu'en rêve. Demain matin tu te réveilleras, et tu te
souviendras de chaque mot. Si tu ne les notes pas immédiatement
après avoir ouvert les yeux, ils seront perdus à jamais ... alors
s'il te plait, n'oublie pas. J'avais cette intuition tu sais, que les
morts pouvaient communiquer avec nous dans les rêves, que toutes ces
choses que l'on voyait et qui refusaient de s'inscrire dans la
mémoire ne pouvaient être que le fait de l'inconscient seul.
Comment de simples cellules nerveuses pouvaient-elles peindre une
planète que je n'avais jamais vue ? Des personnes que je n'avais
jamais connues ? Comment pouvaient-elles me faire ressentir des
émotions qui ne m'appartenaient pas ? Et à quoi bon ? A quoi bon
rêver de cela, une fois que les rêves communs étaient passés, les
“rêves de rangement” comme je les appelais ... Aujourd'hui je
sais. Et j'espère que toi aussi, tu sauras. Et que cela te
réconfortera, mon Amour, de savoir qu'il existe dans l'Espace-Temps
un “endroit” où peut subsister ce qui n'a plus la possibilité
de s'exprimer sur Terre. Cet endroit, je l'ai appelé Aventine, en
hommage à ce voyage que nous n'avons pas fait, à cette promesse
oubliée, qui un jour renaîtra ... Je voudrais pouvoir t'en écrire
plus, mais les mots ne me viennent pas. Ce langage que nous
partageons, il ne peut me servir que pour ce que nous avons partagé
... que pour ma vie sur Terre. Je peux encore raconter la balançoire
en corde de mon enfance, les marmottes dans la montagne, les étoiles,
et la douceur de tes yeux, mais pour l'après ... il n'y a plus de
langage. C'est tellement plus simple aussi, tu sais. Mais toi,
reste-là s'il te plait ... tu te tromperais de chemin en croyant me
rejoindre. Termine d'abord celui que tu as sur Terre, parce que tu en
as un, et au bout, je t'attendrai. Ne viens pas me rendre visite sur
la Croix, je ne suis pas sous la terre, je ne suis plus ce que tu as
enterré, alors cesse de l'imaginer, cesse de pourrir tes nuits à
penser à mon corps décomposé. Là où il est, il sert sa cause. Et
notre Existence sert la Sienne.
J'arrive au bout de ce que je
peux t'écrire, mon ange. Je t'aime.
Rendez-vous sur Aventine.
lundi 30 septembre 2013
samedi 14 septembre 2013
lundi 22 juillet 2013
vendredi 28 juin 2013
La chute.
Je sentais dans l'atmosphère de juin les prémices de la fin. La chute.
Le petit chat est mort.
Comment peut-il être mort alors que sur ma main restent les étoiles de ses griffes ? Sur le parquet vernis, les éclairs gris duveteux, sur mes draps, l'odeur de son pelage d'hiver ?
Comment cet espace qui, avant lui, n'était que de l'espace, s'est-il transformé en vie, et puis en vide ?
Comment fait-on à ne s'occuper que de soi quand il était si bon de s'occuper de lui ?
Meu Deus, ce n'était qu'un chat.
Un chat pour qui j'avais crée une chanson. Deux.
Un tout petit chat. Qui dans la douleur de la chute miaulait comme pleurent les bébés.
Les bêtes à chagrin ne sont pas ces petits être éphémères qui vont et viennent dans ma vie ... elles sont nous. Bêtes d'être chagrins.
Le petit chat est mort.
Comment peut-il être mort alors que sur ma main restent les étoiles de ses griffes ? Sur le parquet vernis, les éclairs gris duveteux, sur mes draps, l'odeur de son pelage d'hiver ?
Comment cet espace qui, avant lui, n'était que de l'espace, s'est-il transformé en vie, et puis en vide ?
Comment fait-on à ne s'occuper que de soi quand il était si bon de s'occuper de lui ?
Meu Deus, ce n'était qu'un chat.
Un chat pour qui j'avais crée une chanson. Deux.
Un tout petit chat. Qui dans la douleur de la chute miaulait comme pleurent les bébés.
Les bêtes à chagrin ne sont pas ces petits être éphémères qui vont et viennent dans ma vie ... elles sont nous. Bêtes d'être chagrins.
mercredi 26 juin 2013
Juin.
Dans la couleur d'un ciel de juin, je lis comme dans les lignes d'une main. Je lis, ou plutôt je déchiffre, mais je n'y comprends rien. Chaque fois que j'essaie de regarder à demain, c'est hier qui me répond. Les projets se transforment en souvenirs, les rêves en regrets, les preux chevaliers en mythes oubliés. Le présent n'est pas l'échappée promise vers l'avenir, il est l'échappée, point. Un instant perdu qui succède à un autre, dans l'écho d'un rire, d'un pleur, d'un silence. Seul le cosmos tisse ce que nous appelons les trois temps de la loi, dans une seule et même trame ... cette même toile dont est faite notre âme. C'est elle, semble-t-il, qui voyage, apprend, comprend, sait mourir et renaître en même temps. Pourquoi en parle-t-on toujours comme d'un tierce élément, comme d'une étrangère à "moi" ? Parce que je suis mon corps, ce véhicule mou et périssable ? Sans doute alors, cela explique pourquoi, quand je tente de lire dans la couleur d'un ciel de juin, je ne vois rien.
mardi 9 avril 2013
Victime et bourreau
Je laisse passer ce sentiment. Cette affreuse sensation de cœur qui se vide, se glace, et se durcit comme de la pierre. J’accepte … parce que je l’ai bien cherché, parce que je ne sais pas faire sans longtemps, parce que la souffrance me rend le ciel plus bleu, le soleil plus brillant, et les gens plus humains. Quand je m’arrange pour tomber dedans, que je me regarde recommencer sempiternellement la même erreur, et prendre plaisir à me brûler, j’ai plus d’indulgence, de tolérance, et même d’Amour pour ces personnes qui prétendent venir se soigner d’elles-mêmes. Je ne sais pas le nommer. Je ne sais pas ce que c’est : un sentiment, une émotion ? De la peine, de la nostalgie, de la jalousie, du regret, ? Pis, des remords ? Quand l’ai-je ressenti pour la première fois, et surtout : pourquoi y ai-je pris goût ? Cet état me rend étrangère au monde, étrangère à moi-même. Ce qui l’instant d’avant occupait toute la place de mes idées et de mes sentiments, me procurait joie et insouciance si bien imitées, tout cela devient soudainement froid, creux, sans intérêt. Mais je laisse passer. Je commence à le connaître, à me connaître … je sais que je ne peux rien faire d’autre. Qu’un matin il aura disparu, ne laissant derrière lui qu’une toute petite piqûre qui disparaîtra au premier sourire, à la première bonne nouvelle, et que la vie me semblera presque douce de nouveau, mes choix seront de nouveau les bons, mon cœur me laissera tranquille. Jusqu’au prochain creux. Le prochain glissement, ce moment où je guetterai, provoquerai, m’appuierai sur l’arbre un peu trop fort, « sans faire exprès », pour voir si un nouveau fruit tombe. Je le regarderai, à mes pieds, brillant comme un rubis, appétissant à souhait, et comme l’alcoolique qui sait qu’il se détruit à force de boire mais qui avale encore une goulée, et puis une autre … je le saisirai du bout des doigts et le mordrai à pleines dents. Foutu pour foutu. Un jour, le sais, il m’empoisonnera pour de bon.
dimanche 3 février 2013
jeudi 31 janvier 2013
Le chuchotement de la pierre
Son passage dans l'allée du
cimetière laissait derrière elle un sillage touchant de tabac blond et de
feuilles de platane froissées et mouillées. A moins que ce ne fut-ce l’odeur
naturelle de l’automne dans cette région-ci de l’Angleterre, battue par les vents
humides de sel et oubliée des guides
touristiques et des regards même de ses propres habitants. Les vieux avaient
l’air de morts qui ont oublié qu’ils sont morts, et les jeunes – pour ce que
l’endroit en comptait – semblaient parfois sortir d’un rêve, la lippe pendante
et humide de salive, le regard creux, les cheveux couleur de feuilles où
s’insinuaient parfois des cheminements de couleurs criardes, vestiges de
soirées à regarder rouler les canettes de Kilkenny, attendant que l’apocalypse
daigne percer le plafond de leurs chambres ou de leurs garages pour venir les
arracher à un quotidien qui ne pouvait guère être qualifié de désenchanté,
puisque n’ayant jamais été touché par la grâce d’une fée, fut-elle artificielle.
Mais Eléonore n’était pas
comme eux. Ni jeune, ni vieille, ni de cet endroit ni tout à fait d’un autre –
puisqu’elle n’avait passé que 5 ans de sa vie à frôler les pierres bretonnes
avant que son père ne soit contraint de s’installer dans un de ces pavillons
fades, vaguement entourés de verdure, dont il ne cessait de répéter que cela
lui « suffisait », comme si la vie n’avait à lui fournir qu’une
médiocre satisfaction en tout – elle passait le plus clair de son temps à faire
crisser le gravier calibré de l’allée du cimetière. Le cimetière était ce que
l’endroit avait de plus notable. D’abord il était grand, ensuite il était
plaisant. Toute la verdure invisible des jardins et des rues semblait trouver
refuge ici, dans les ifs et les peupliers, dans le lierre qui les étreignait,
dans les herbes sauvages qui éclataient en gerbes comme des feux d’artifices
monochromes affleurant le sol meuble, pour peu que l’on s’aventurât hors des
sentiers tracés. Ce jardin sauvage attirait cependant peu la population, qui
semblait considérer que le lieu – loin d’être sacré – était maudit de par la
simple présence des stèles, des croix, et surtout des statues, auxquelles
Eléonore n’avait jusqu’alors jamais vraiment prêté attention.
Un soir qu’elle et son père
tentaient péniblement de changer quelque chose à leur quotidien gris et mou en
épongeant des demi de bière tiède avec leurs lèvres, Eléonore avait entendu la
vieille prostituée campée derrière le bar cracher à un type qui semblait déjà à
moitié décédé sur son comptoir que les statues du cimetières étaient «un
caprice de sales gosses de riche » qui avaient depuis longtemps déserté
l’endroit en laissant leurs morts « fardés comme des pétasses »
derrière eux. Considérant l’aspect général de Dolly – c’était le nom de la
vieille – dont la dégaine s’apparentait plus à ce que serait Britney Spears dans
trente ans qu’à un honnête sujet de la Couronne, Eléonore trouva la réplique
savoureuse. Son père avait d’ailleurs dû penser de même, car il lui avait lancé
un petit clin d’œil en souriant en biais derrière sa pinte, à moins que ce ne
fut-ce un rictus de dégoût. C’avait été le meilleur moment de la soirée.
La remarque de Dolly avait
en tous les cas suffisamment piqué la curiosité – qui n’avait plus guère été
sollicitée depuis une bonne dizaine d’années maintenant – d’Eléonore pour
qu’elle eut envie un jour de franchir la mince grille rouillée (grinçante et
tarabiscotée à souhait, « digne d’un film de Tim Burton »
avait-elle pensé) et d’aller observer de plus près ces statues qui dérangeaient
tant le fleuron de l’intelligentsia britannique. Nonobstant l’impressionnant
corbeau qui avait semblé fondre sur la tête d’une jeune femme de granit
qu’Eléonore s’apprêtait à toucher du bout de ses doigts, et qui l’avait faite
reculer d’au moins trois bons pas en un bond, rien à première vue ne semblait
si dérangeant, effrayant, ou ne serait-ce même qu’un peu intéressant dans ce
bal figé, blanc et muet de corps affligés ; l’un le visage suppliant un
ciel sourd, l’autre les ailes repliées sur un corps fuselé d’adolescent bouclé,
celle-là encore semblant danser avec des pieds de plomb la bouche tordue par le
chagrin, et puis de ci de là, un angelot, un enfant, tous drapés comme des
prélats romains.
A première vue donc. Mais
lorsqu’Eléonore se décida à sortir du cimetière, convaincue qu’il n’y avait
rien à voir – encore une fois, rien à voir – et qu’elle porta son regard à sa montre, elle vit, presqu’avec
soulagement, que quelque chose d’important avait dû se produire. Le
« quoi » lui échappait encore, mais elle était certaine de ne pas
avoir passé plus d’un quart d’heure, vingt minutes tout au plus, à contempler
ces moroses sculptures, et pourtant les aiguilles lui indiquaient que trois
heures étaient passées. Elle ne voulut même pas penser que sa montre put être
déréglée, elle ne voulut penser à rien qui puisse être considéré comme logique,
rationnel ou cohérent dans ce phénomène, sa conviction et son raisonnement ne
faisaient qu’un, et pour la première fois depuis des années, cela ressemblait à
quelque chose d’excitant : elle avait sans doute été hypnotisée par
les statues du cimetière.
Dès le lendemain – puisque
dans ces congés d’octobre qui n’en finissaient plus elle n’avait rien de mieux
à faire, son salaire quasi-symbolique à la bibliothèque lui permettant tout
juste de pouvoir, à tente quatre ans, vivre avec son père – elle décida donc
d’y retourner. Les rares personnes qu’elle croisa en faisant chemin,
particulièrement élégante et d’un pas décidé, semblaient rien qu’à leurs coups
d’œil torves deviner où elle allait et ce qu’elle allait y faire (alors
qu’elle-même l’ignorait !), et que ce qu’elle allait y faire serait
forcément répréhensible ou dégoûtant, ou bien encore les deux.
Peut-être était-ce la
chaise longue pliante – relique de vacances en France, à la Baule – bien calée
sous son bras, ou l’étole cramoisie épaisse jetée sur ses épaules qui jurait
peut-être avec la finesse de ses cheveux blonds cendrés, ou peut-être encore
son sourire, spontané, mais qui pourtant lui semblait à elle-même une grimace,
tant il avait peu servi depuis qu’elle était en âge de s’apercevoir qu’il n’y
avait absolument rien de drôle à être en vie.
Elle s’était faite belle,
oui. N’ayant pour ainsi dire jamais eu l’occasion de se déguiser en femme pour
un rendez-vous galant ou une soirée chez l’ambassadeur, Eléonore s’était fait
la réflexion que si Dolly pouvait aller travailler habillée comme un travelo,
elle pourrait se rendre au cimetière vêtue comme une lady.
Au rendez-vous imaginaire
qu’elle s’était fixée – 16h15 – Eléonore vit à sa montre qu’elle était en
avance. Elle s’excusa auprès de ses hôtes chtoniens qui ne prirent guère
ombrage de cette petite entorse à la bienséance. Les corbeaux, en revanche,
croassaient de plus belle depuis qu’elle avait déplié sa petite chaise longue à
la toile bleue. Faisant semblant de ne pas les entendre et souriant de plus
belle, Eléonore sorti de son sac de Mary Poppins (c’est ainsi que son père
appelait cette besace ventrue à la toile au motif tartan passablement élimé, et
au fermoir ripant de porte-monnaie de vieille dame) un thermos de thé décoré de
fleurs de cerisier japonais défraichies, et deux petites tasses de porcelaine
luisante à peine ébréchées.
En réalité, elle en avait
bien d’autres dans son sac qui ne contenait pour ainsi dire que des tasses, mais Eléonore se dit que
deux, pour commencer, cela était bien.
Elle se servit du thé dans
une. Du Lapsong Souchong, de la marque Tetley, déjà prêt à infuser dans de
petits sachets mousseline pré-dosés. Il sentait la fourrure de chat qui se
serait baladé sur les toits, l’hiver, entre les torsades de fumée blanche
exhalées par les cheminées. Le hareng saur. L’allumette consumée. Le macaron à
la réglisse de chez Ladurée (le seul macaron qu’elle n’eut jamais goûté, lors
de son unique voyage à Paris, il y avait maintenant plus de 5 ans. Le Lapsong
Souchong de Ladurée était d’ailleurs bien meilleur que celui qu’elle se servait
par cette frisquette journée d’automne).
Le temps était identique au
temps qu’il faisait la veille, et l’avant-veille. Ici, plus personne ne prêtait
attention au temps car il était
chaque jour identique : un ciel couleur paille fanée, crachotant une
lumière pisseuse entre deux gros moutons joufflus d’un gris allant du cashmere
à la mine de plomb écrasée. Parfois, un franc rayon de soleil se frayait un
chemin jusqu’au sol, si rare qu’il semblait être la main de Dieu même. Plus
souvent, les gros moutons s’ébrouaient au-dessus de la tête des habitants, et
de grosses gouttes lourdes et sales leur tombaient sur le dos comme autant de
doigts d’enfants taquinant le grand-père endormi sur le canapé après le repas
dominical. L’endroit et tous ses habitants, dans leur grand et gris ensemble,
était un après-repas dominical, songeait souvent Eléonore.
Sans conviction, mais
toujours avec le sourire, elle proposa à l’assemblée statuant une tasse de
Lapsong.
Après un moment de relatif
silence (vent dans les feuilles, croassement des corbeaux, ronronnement lointain
des voitures), à mesure qu’un pseudo-soleil déclinait derrière le ciel, en une
lumière crémeuse qui déformait au ridicule les ombres des statues, l’une d’elle,
figurant une femme coiffée d’un chignon dont les mèches folles tombaient en
accroche-cœur sur son front, murmura un « oui, j’en voudrais bien un peu ».
Elle n’avait pas bougé, pas grincé, pas même esquissé une intention de geste en
direction d’Eléonore. Seules ses lèvres, telles deux rails de cendres, avaient
clairement et indubitablement esquissé ces mots.
Pourtant, Eléonore resta
interdite. Le regard rivé sur le visage de la statue, elle se redressa en slow-motion, comme si un geste un peu
trop rapide de sa part aurait pu risquer de briser l’enchantement, l’éclatement
dans le réalité de sa conviction de la veille, l’évanouissement soudain du bal
des pierres à mesure que son réveil sonnerait l’heure du réel … et lentement,
très lentement, les yeux ne clignant plus, les doigts fins et blancs de la
jeune femme effleurèrent le visage de son alter ego immortelle qui en conceva
un sourire timide, mais un sourire quand même.
Eléonore ne voulait pas
passer pour une pintade hystérique. Une oie blanche. Une Alice surprise et
choquée de tout. Elle voulait donner le sentiment de s’attendre à ce qui se
passait, et c’est dans cette idée qu’elle essaya le plus naturellement du monde
de servir une tasse de thé et de la tendre vers la statue, ne sachant
exactement si elle devait viser une main, ou la bouche.
« J’en voudrais bien
un peu, répéta la statue d’une voix douce mais lointaine, comme marquée d’un léger
écho (à l’instar de ces chanteurs à la mode qui donnaient à leur voix des
relents d’outre-tombe par des effets de réverbération), comme je voudrais
goûter un carré de chocolat, tremper mes lèvres dans un doigt de brandy, monter
ma jument alezane à travers notre cottage des Highlands, et tant d’autres
choses encore … mais, je ne le peux point. Savez-vous pourquoi ? »
Eléonore se sentit stupide,
et même insultante avec sa tasse de thé mollement tendue vers celle qui venait
de s’exprimer derrière son masque de pierre. Elle s’empressa de reposer la
tasse où elle put, et répondit, tentant de rendre sa voix à la fois désolée et assurée :
_ N… Non, madame. Je ne
sais pas. Parce que vous êtes une statue j’imagine … (sa réponse lui sembla être
la réponse la plus stupide de l’univers, toutes questions confondues).
_ Mais non. Je ne suis pas
une statue. Vous conduisez une voiture, pourtant vous n’êtes pas une voiture,
si ? Bon. Eh bien moi c’est la même chose, je ne suis pas une statue. La
statue porte ma voix, qui autrement serait inaudible à vos oreilles, et surtout
à votre âme. Je ne peux goûter à votre thé ni à un carré de chocolat simplement
parce que je suis morte, Miss …
_ Eléonore !
_ Miss Eléonore (Eléonore
ne répondait rien, suspendue aux lèvres crayeuses de la statue, ce que cette
dernière interpréta à juste titre comme une invitation à poursuivre son récit).
Enchantée, Miss Eléonore. Je me nomme Elizabeth Fitzroy. Je me nommais … je
suis morte, voyons … en quelle année sommes-nous ?
_ 2011. Octobre 2011 !
S’empressa de répondre la jeune femme.
_ 2011 … eh bien, j’imagine
que cela fait longtemps que je n’ai eu l’occasion de converser avec un vivant.
Voyez-vous les gens ont totalement oublié l’intérêt, pratique j’entends, de l’ornement
funéraire. Moi-même, de mon vivant, je n’aurais jamais songé à aller converser
avec ma pauvre mère se décomposant six pieds sous terre par le biais de sa
sépulture ! Et pourtant aujourd’hui la voilà à côté de moi, et si je ne l’avais
pas pour me tenir compagnie, je mourrais sans doute une deuxième fois d’ennui
(elle fit une pause. Eléonore ne disait toujours rien, ayant jeté un bref coup
d’œil au buste sévère de la mère en question, qui considérait le vide qu’elle
fixait avec beaucoup de gravité). Alors mon amie, voulez-vous bien regarder en
quelle année je suis morte je vous prie ? Ma mémoire me fait défaut, les
vers ayant depuis longtemps grignoté les informations de mon cerveau …
Eléonore mit un temps à
comprendre de quoi il s’agissait. Elle réalisa soudain que les statues n’existaient
pas comme simple ornement pour promeneurs du dimanche en mal de recueillement,
mais qu’elles ornaient des pierres tombales rongées par le lichen au point qu’elles
semblaient désormais se fondre avec le sol même. Elle se précipita au sol dans
un froufroutement de tissu, et gratta avec ferveur – comme un chercheur d’or
rendu à moitié fou par la frustration et le soleil – la pierre recouvrant
la dépouille d’Elizabeth.
Elle déchiffra à haute voix :
Elizabeth Fitzroy
1856 – 1882
Forever with the Lord
_ Ah oui, répondit
Elizabeth sur le ton qu’on aurait employé en se rappelant un moment gentiment embarrassant
de sa vie, comme la fois où Eléonore s’était retrouvée jupe par-dessus tête un
jour de grand vent, dans la seule rue un tant soit peu fréquentée de l’endroit.
Oui, je me rappelle maintenant. Ce n’était pas vraiment hier il faut dire … Je
montais Pénélope (Pénélope c’est ma jument alezane, Dieu seul sait où sa
carcasse repose aujourd’hui), et celle-ci s’est pris peur avec je-ne-sais-plus-quoi.
Je suis tombée. Mais ça ne m’a pas tué, non. J’ai gardé le lit pendant des
jours, interrogeant du regard les visages embarrassés de ma famille qui allait
et venait autour de moi en évitant soigneusement de croiser mes pupilles. Quand
j’ai compris que la sensation de plomb qui entourait mes jambes perpétuellement
engourdies ne s’en irait jamais, j’ai … eh bien je crois que je me suis
trainé jusqu’à la fenêtre comme une pauvre créature gluante, une limace … (sa
voix, dans son lointain écho, sembla tressaillir légèrement) et j’ai jeté ma
pauvre carcasse par-dessus bord. Mon premier souvenir après ça fut une sorte de
réveil, si on peut appeler ça comme ça … une sensation d’être faite de terre, d’obscurité,
d’humidité, et même de bois. Le propre écho de ma voix m’est parvenu, et je l’ai
suivi dans des méandres de la pierre, jusqu’à comprendre que ces méandres
étaient comme des capillarités, et que je suis la sève qui la parcourt jusqu’à
vous, ce soir. La nuit est tombée, voyez ! Le temps n’a plus court dans ce
cénacle, vous vous en êtes rendue compte je crois le mois dernier.
_ Hier vous voulez dire ?
Répliqua Eléonore, toutefois pas tout à fait certaine de ce qu’elle avançait.
_ Si vous voulez, lâcha
laconiquement la statue dans un chuchotement pâle et, bien qu’elle était restée
immobile presque tout le long de cet étrange échange – immobile, sauf les
lèvres – Eléonore put voir sur le visage de la statue qu’elle ne dirait plus
rien.
Alors Eléonore se laissa
mollement choir dans sa chaise longue de la Baule. Attrapant sa tasse du bout
de l’index et du majeur pour siroter son jus de hareng froid. Elle se rendit
compte qu’elle pleurait, parce que le haut de son corsage en soie commençait
produire une sensation gluante et froide sur le bombé de sa poitrine menue. Sa petite
cape ne lui tenait d’ailleurs plus assez chaud. Sa montre indiquait un
impossible 21h, si bien qu’elle n’y prêta aucune attention.
« Il ne faut pas être
triste, Miss Eléonore ».
La voix provenait d’un
angelot de pierre, ridiculement petit, dont la tête penchait pitoyablement vers
une stèle miniature gravée d’inscriptions néogothiques délavées. Il serrait
contre sa poitrine chétive un minuscule bouquet de fleurs des champs, ou
quelque chose comme ça. Eléonore se leva et s’agenouilla, presque
recroquevillée, sur la petite tombe pour y lire qu’un certain Henry Culpepper y
gisait, et qu’il était mort à l’âge de six ans. La jeune femme fit rouler sa tête
sur la pierre et vrilla le reste de son corps pour se retrouver allongée sur la
tombe, visage tourné vers un ciel où de rares étoiles – particulièrement brillantes
cependant, il sembla à Eléonore qu’elle les regardait pour la première fois –
pulsaient leur lumière vers elle entre des masses lourdes et mates. Il faisait
nuit, et Eléonore ne savait pas comment cela était possible.
« Henry »
murmura-t-elle, entre appel et constat.
« Oui, Miss Eléonore ?
_ Tu es mort comment toi ?
_ J’étais phtisique
mademoiselle, lui répondit une voix cristalline qui évoquait à Eléonore l’écho
d’une goutte glissant d’une stalactite dans une grotte, ou une baguette fine
caressant des carillons fins eux aussi. Un jour, je n’ai plus vu la lumière par
la fenêtre où Miss Fitzroy s’était jetée plusieurs années avant ma naissance,
et j’ai toussé de la terre dans le noir.
_ Vous êtes tous morts dans
cette chambre ici ?
_ Oh non mademoiselle. Mais
nous avons tous vécu dans la même maison, mais pas au même moment.
_ C’est quelle maison ?
Eléonore regardait les minuscules
petites lèvres de velours souris palpiter comme des ailes de papillons de nuit
piégés dans la lumière. Elle riait doucement en posant sa question, sans
vraiment de raison. Henry ne sembla pas s’en offusquer.
_ C’est le domaine Kenwood.
Dans une forêt je crois … je ne me souviens pas. »
Le nom ne résonnait pas
dans la tête d’Eléonore, qui était pleine de coton chaud et crépitant.
Une autre statue
sembla le deviner :
« Le domaine n’existe
plus. Il a été rasé par la municipalité de cet endroit. Nous sommes les seuls
rescapés, pour ainsi dire.
L’écho de voix provenait
cette fois de la statue de l’ange adolescent aux cheveux bouclés. Eléonore se
redressa d’un bloc, et s’avança dans une désormais quasi-pénombre vers la
silhouette qui, dans le froid humide, semblait grelotter. Eléonore remarqua que
les pieds de la statue étaient léchés par une brume épaisse comme du yaourt,
mais pas les siens. Elle regarda le visage du jeune homme en passant son visage
sous le sien, trop penché et trop sombre pour être considéré en face à face. Les
lèvres avaient l’air de vibrer, la voix aussi était comme du yaourt :
blanche et suave.
_ Comment vous appelez-vous
jeune homme ?
_ Je ne me rappelle pas,
répondit la voix sans l’ombre d’un chagrin.
Eléonore baissa les yeux
vers le sol, puis tout son buste quand elle constata que la carte d’identité
mortuaire devait être enfouie sous des couches de feuilles et de mousse. Elle
balaya du bras et gratta de la main dix bonnes minutes, mais sous la couverture
de la nuit le nom était indéchiffrable par ses yeux. Elle essaya donc avec ses
doigts de suivre le contour des lettres gravées dans le marbre : J-U-L
_ Julian, termina la voix
sans soulagement. Julian Kenwood. J’étais le fils des premiers propriétaires du
domaine, je me souviens maintenant. Je devais me marier à Elizabeth, mais j’étais
en voyage quand elle a chuté de son cheval … et … j’ai tardé à revenir. Mais
pas à la rejoindre. Maintenant je sais ce que signifie passer l’éternité auprès
de quelqu’un … mais j’échangerai volontiers mon éternité contre quelques
secondes pour pouvoir me tourner vers elle. »
Cruelle ironie, Eléonore
constata qu’en effet la statue de Julian tournait le dos à celle d’Elizabeth,
et qu’elle était bien trop frêle pour y changer quoi que ce soit.
La jeune femme perçut alors
l’écho d’un sombre ricanement qui provenait du buste de la mère d’Elizabeth,
dont le regard, bien que n’ayant pas réellement changé, semblait désormais
afficher une vague lueur de triomphe pourri.
Une chouette hulula. Une
ombre découvrit pour quelques minutes le pale halo de la lune, très haute dans
le ciel, dont la bouche en forme de « O » semblait se désespérer pour
ceux qu’elle veillait en cet instant.
Eléonore s’approcha des
deux autres statues, et elle se rendit compte que l’enfant tenait la main de la
femme dansant avec des pieds de plomb. Elle en fit le tour, plusieurs fois,
mais les statues restaient muettes. Au bout d’un certain temps de ce petit
ballet, une toute petite voix, émanant des lèvres de l’enfant que la jeune
femme devinait seulement à la lueur de la lune, chantonna :
Une
pomm-eu vert-eu,
Une
pomm-eu roug-eu,
Attention
au ver-eu,
Tombe
dans la rivièr-eu,
Et
plus rien ne boug-eu !
Curieux. Eléonore n’avait
jamais entendu cette comptine qui ne semblait n’avoir aucun sens (comme souvent
les comptines pour très jeunes enfants en réalité). Et voilà que lui faisaient
écho des sanglots, de lointains lointains sanglots émanant de la femme qui lui
tenait la main.
Et le silence imparfait de
la nuit recouvrit les murmures.
Eléonore marcha ce qui
sembla lui être plusieurs heures autour des statues (c’est en tout cas ce qu’affichait
sa montre, dont les aiguilles s’emballaient chaque fois entre la demi et l’heure
pile), mais aucune ne daigna plus prononcer mot, même lorsqu’à genoux elle
supplia à Elizabeth de lui redire quelque chose, lui proposa de lui porter un
message pour Julian, qui resta sourd également à ses suppliques. Alors,
épuisée, elle s’allongea de nouveau près du petit angelot de Henry, qui ne
disait plus rien lui non plus. Elle sentit alors qu’elle était gelée, mais elle
s’endormit à mesure que se formait cette pensée.
Elle rêva de la femme et de
l’enfant jouant près d’une rivière. La femme buvait du vin en riant avec quelqu’un
qu’elle ne voyait pas. Son visage était rubicond, ses lèvres bleues. Le silence
qui régnait en-dehors de son rire avait quelque chose de glauque, mais qu’est-ce
qui n’était pas glauque dans un rêve … Dans ce qui sembla en être un second,
plus chaotique, plus dérangeant, la visage de la femme était recouvert par de l’eau,
l’eau de la rivière, et elle criait muettement, sans pour autant se débattre,
et au fond de l’eau des algues blondes s’agitaient mollement. Des algues de
cheveux. Et une pomme pourrie.
Un frisson parcourut
l’échine d’Eléonore, dont l’esprit était à présent noyé dans l’odeur poisseuse du
cimetière. Elle ouvrit grands les yeux dans un hoquet de surprise, sentant
nettement une pellicule de sueur glacée se former dans son dos. Son cœur
semblait avoir commencé à s’emballer depuis bien avant son réveil, et lentement
et sûrement, ses pensées se bousculèrent pour rejoindre la cadence. Bientôt il
n’en resta qu’une. Une toute petite, qui tenait en sept mots. Une pensée
limpide, claire, nette, simple. Affreusement simple. Petite. Toute petite.
Limpide, transparente. Alors Eléonore tenta de se rendormir dessus, en fermant
un peu trop fort les yeux et en respirant un rien trop lentement. Un grain de
sable dans le rouage. Rien, pas grand-chose. Sept mots sur lesquels son esprit
commencer déjà à se fendre :
« Je n’ai jamais porté de montre ».
FIN
samedi 12 janvier 2013
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