mardi 4 octobre 2011

L'Anamorphose Cachée d'une Vanité

Elle est allongée seule dans une chambre où ne filtre par les volets qu'un peu de ce soleil écrasant qui insiste depuis des semaines.
Elle rêve à l'hiver qu'il doit faire dans tant d'autres pays du monde. Des pays qu'elle a visité, exploré sans fatigue, ne se reposant le soir que dans des bars grouillant d'humanité, partageant avec son frère une bière, une cigarette, et le sentiment délicieux que tout autour de soi devient mou, irréel, sans intérêt et donc possible.
Il rentre sans frapper et sans bruit. Il parvient pourtant à froisser son silence, son cocon douillet. Il murmure pour lui-même qu'Il ne retrouve pas sa montre, qu'Il a du la laisser là, hier soir ... Il la trouve sur la table de nuit. Il soupire d'être si fatigué, Il fronce un peu les sourcils pour appuyer un peu plus ce sentiment d'écrasement. Enfin Il la voit. Elle a écarté les jambes et les bras, renversé sa tête en travers du lit. Elle ne porte qu'une robe qui semble taillée dans quelque chose qu'on aurait attrapé au vol, par la fenêtre. Un bout de parachute. Sa peau toute entière semble absorber la lumière de la pièce, et sa tête a l'air d'un poisson étouffant pris dans les mailles d'un filet de cheveux noirs et trop longs. Elle se dit qu'elle doit avoir l'air magnifique, désirable, comme un Christ de film pornographique.
Il la trouve théâtrale, grotesque. Il ne sait quoi lui dire mais n'ose quitter la pièce sans un mot. Peut-être a-t-elle envie de silence ? Peut-être ne l'a-t-elle même pas entendu ? Il la trouve si étrange, dans ses postures baroques, elle ressemble aux femmes des peintures de Portinari : disproportionnée, inssaisissables, avec quelque chose d'obscène, dont on n'arrive pas à détourner le regard : "folle", chuchote-t-Il. Elle a entendu. Elle ne bouge pas, elle attend de voir ce que ce "folle" va signifier dans sa bouche. Elle en attend beaucoup ... Il ne se passe rien. Il a quitté la pièce. Il a fermé la porte délicatement dans un cliquetis de métal à peine audible. Il semble même qu'Il descende les escaliers sur la pointe des pieds pour ne pas la réveiller. Sa mâchoire se serre, elle sent qu'elle pourrait tomber : elle pourrait se lever lentement, ouvrir les volets, prendre son petit lecteur de musique et poser dans ses oreilles un air doux de folk américain, et sauter. Et tout serait terminé. Elle pourrait se lever lentement, sortir sa valise déglinguée de dessous le lit, la remplir de choses futiles et de tout l'argent qu'elle pourrait trouver, et partir sans un regard pour lui, pour cette maison, pour ce quartier, pour ce pays. Elle pourrait se lever comme un diable hors de sa boite, dévaler les escaliers nus-pieds, le chercher comme une Erynie prête à lui détruire les oreilles et l'esprit, l'obliger à la regarder dans sa fureur, l'obliger à la saisir, à la secouer, à planter dans son visage son regard d'homme, sa langue d'homme, l'obliger à la dépecer par petits bouts pour faire sortir son âme, la faire s'envoler un peu plus près de cet absolu de complétude perdu il y a si longtemps. Il pourrait lui faire avaler son alliance, qu'elle la sente passer dans tous les recoins de ses tripes, qu'elle soit obligée de l'expulser pour en ressentir de nouveau la douleur et le bonheur retrouvé, après un long, long voyager fait de vides et de riens ... Elle sourit. Bien sûr qu'elle ne pourrait jamais faire ça.
Si seulement Il pouvait simplement revenir, s'asseoir près d'elle, passer sa main dans ses cheveux trop secs et lui proposer dans un sourire doux de l'emmener danser. D'aller au restaurant. De se baigner dans l'océan. De dormir près d'elle. Si elle pouvait encore être la source de quelque chose ... Mais dans un coin de la chambre elle apperçoit sa besace difforme qu'elle tient sous son bras quand elle part travailler, sa besace en gros cuir marron défraîchi. Elle pense que de loin, cette chose ressemble à un monstrueux étron, et elle éclate de rire, de sa bêtise, et de son propre rire aussi. Elle roule sur elle-même et penche un peu plus la tête de côté. Ses yeux se figent.
La besace a maintenant l'air d'une odieuse tête de bébé.
"Un bébé !" songe-t-elle si fort qu'une autre voix semble lui avoir parlé.
Alors, seulement, elle se lève lentement ...

1 commentaire:

Belette...hihihi... a dit…

Une exemple de bienveillance et respect, de tout ce que le vrai amour est capable... dans ta vanité il n'a pas de personnages, dans ta rêverie il y a des vrais personnes "ta vanité est une catégorie particulière de nature morte, dont la composition allégorique suggère que l'existence terrestre est vide, vaine, la vie humaine précaire et de peu d'importance... "quelqu’un peut parler de la fin du monde? la fin du monde est déjà passé!" c'est a nous de recommencer a chaque journée et voir le monde comme nous le voulons! le système est mauvais... "Life fuck, die it's too hard!"...
Te voir est devenu un besoin, une réalité, faisons un film! Laissons ton imagination créer une vie avant la fin de notre chapitre d'histoire... lentement...