Me voilà plongée dans le noir. Je ne respire pas … bien sûr que je ne respire pas, pas plus que mon cœur ne bat et ne fait circuler le sang dans mes veines. Je suis exsangue, mais je pense. Je ne ressens pas grand-chose toutefois. Ni peur, ni peine, ni paix, ni rien de ce à quoi je m’attendais. Et mes sens … On dirait que je n’en ai plus qu’un, comme si j’étais ce que je sentais, ou observais, ou goûtais, ou entendais, ou touchais. Oui, c’est cela, je suis ce que je perçois. Et là je suis de la chair, de la terre, et du bois.
Puis-je encore me souvenir ? Oui … oui, je me rappelle, petit à petit.
Maman était malade, comme tous les hivers, mais plus que d’habitude. Car d’habitude, il n’y avait pas de sang dans ses toussotements. Que de tourments, maman …
Papa nous emmena alors sur la Riviera, là où le climat doux et iodé était si réputé. Respire ma petite mère, respire le bon air. Nous chassions les crabes du bout de nos pieds chaussés, mais sans cesse ils revenaient.
Et maman mourut.
Il ne restait que moi, et papa, et plus personne entre lui et moi. Papa faisait si jeune, si frais, si épanoui, et moi, accablée, la peine peignait sur ma face le masque des années. Nous passions pour ce que nous étions, malgré moi, quand le soir tombait.
Je ne mis pas longtemps à me faire couler le sang, pour pouvoir ensuite être enterrée tout près de maman, là, tout à côté de ses bras.
Et voilà que je me réveille dans mon berceau tout fermé. Je vais gratter, creuser, casser, je vais lentement la gagner, dans son petit lit frais.
Enfin, je m’endormirai pour de vrai.
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