mardi 15 juin 2010

Here is the house

Si je pouvais revenir, une nuit, dans ma maison, je revivrai les jours où il y avait encore bien d’autres nuits. Je descendrai les escaliers par la rambarde, sur les fesses, et je tomberai en bas, j’effriterai le mur en pierre avec mes doigts. Je me cacherai sous les marches, derrière le panier à linge, contre les livres de mon père – les vieux livres aux couvertures épaisses et aux titres dorés, les vrais livres – et j’écouterai mes parents vivre, en haut. Je regarderai le film avec mes oreilles, les mains fermées sur ma bouche pour pas qu’elle ne crie pas ou qu’elle rigole pas. Dans la cuisine, j’ouvrirai le plus doucement du monde la boite à gâteaux en métal rose, avec des petites anglaises dessus, et des biscuits au chocolat dedans. Je piocherai de quoi affronter les dangers de quelques chapitres d’un livre ou quelques cases d’une bande dessinée. La petite princesse, Donald, Dr Jekyll et Mr Robinson … Je m’assiérai sur le rebord de ma fenêtre pour regarder le citronnier se découper sur la frise ancienne de la maison voisine, parfaite image d’une Côte d’Azur jaune, parfait condensé d’été. Je jouerai de la guitare, plus pour l’image que pour le son, en regardant en face « le Canada » : un sapin, une montagne, un couloir aérien … le Canada. Sur ma terrasse je me pencherai pour tenter d’apercevoir mon cher cimetière, je guetterai les fantômes, je n’ai pas peur, je peux aller me cacher s’il y en a un qui vient. Et ils viennent. Ils parlent en haut la nuit, quand je dors, ils organisent un repas, ils dansent un peu, ils rigolent beaucoup. Ils chuchotent mon nom à mon oreille en riant. Ils me disent « chut ». Ils m’appellent. Cette fois-ci, pour ma dernière nuit, je viendrai. Je me ferai couler un bain … un bain … brûlant, transparent, plein d’huiles, de sels, de parfums, de lumières, de musiques, un bain de nuit. A peine sortie, j’irai me réfugier dans les draps frais, je taperai sur le pied de mon lit en appelant : « Pompon ! Viens mon beau, viens ! », et j’entendrai mon chat dévaler les escaliers et se jeter à mes pieds en miaulant. Je l’entendrai seulement, mais ça sera déjà ça. Et puis j’irai le voir. Je me coucherai sur sa toute petite tombe cachée sous le laurier, et je serai toute petite moi aussi. J’aurai 8 ans. Je grimperai au mandarinier, et le plus haut possible je parlerai à la lune, dans ma tête, c’est là où je suis née. Je m’allongerai sur les balustres pour regarder les étoiles, il y en a peu, je les connais toutes. Je remonterai, regarder le soleil se lever sur les croix de la cuisine, sur la montagne, sur mon rêve.Si je pouvais revenir, une nuit, dans ma maison, je revivrai les jours où il y avait encore bien d’autres nuits.

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