mercredi 30 juin 2010

Beau oui comme Bowie

2003,

Aujourd’hui, les gamins deviennent des stars parce qu’on le leur demande. On les pousse sous sa lumière des projecteurs jusqu’à ce que leur visage brûle. David Jones Bowie, lui, s’est fait connaître par sa musique, un jour de 1969 où la lune était sur toutes les télés. « Ground control to Major Tom … » .

L’image est venue ensuite, amalgame improbable de tout ce que l’époque produisait : Le Velvet Underground d’Andy Warhol, l’univers terrifiant de Kubrick, 1984, le Glam Rock initié par T-Rex … tous ces avatars et quelques autres formant le Dr Frankeinstein qui donnera naissance à un Prométhée bisexuel d’un nouveau genre : Ziggy Stardust .

« Why did you killed Ziggy ??? Booooouh ! » pleurniche Bowie sur la scène de l’Olympia en 2001, tournant en dérision ses fans de l’époque, mais aussi lui-même, le mégalomane et schizophrène génial avec une spider (from mars) au plafond .

Bowie a tué Ziggy . Au somment de sa gloire, il se démaquille, se rhabille tout seul, « apprend à acheter un billet d’avion », abandonne famille du glam et famille tout court pour se créer une nouvelle vie à Berlin avec un Iggy Pop proche du caniveau, après l'avoir été du trottoir. Berlin ville des anonymes, du punk, de la décadence, des machines métalliques, du masochisme .

Combien l’ont imité après lui ?

1980, un clown blanc traverse une plage orange sur fond de mer noire . 1983, une femme enceinte s’ennuie chez elle où il n'y a pas la TV, elle écoute en boucle « Ashes to ashes » quand ce n'est pas une question de temps, sans se douter des effets que cela aura sur son rejeton . Un rejeton capable de pleurer pour un simple « yeah » torturé et tortueux sur cette chanson qui 11 ans plus tard révèle un terrible scandale : Major Tom est un junkie. Sa maman l’avait prévenu.

1993, Bowie, le financier longtemps considéré comme une vache à lait par ses producteurs, prend sa revanche . Tournées détournées à n’en plus finir, chansons cotées en bourse … A un journaleux français soulevant les babines de l’artiste pour montrer ses longues dents, ce dernier lui chantera :
« personne ne sait combien j’ai souffert … personne … sauf mon banquier ".
A défaut de vendre le monde, the man who sold ... himself.

Bowie a souffert . Sa schizophrénie l’a mené sur une scène haute, si haute qu’il a cru qu’il deviendrait « Hitler en Grande-Bretagne » . Cette même ( ?) schizophrénie conduira son frère au suicide . Jump, they say .

2003, Nice, Reality Tour . Sa voix pleure, il la dit cassée, il s’enfuira comme le bossu qu’il imitait deux ans plus tôt sous les pouces levés ou baissés de la foule . Bowie n’aime pas perdre face à son public, mais il n’aime surtout pas perdre face à lui-même . Bowie torturé, ça devient culte . A 56 ans, qui peut encore prétendre poursuivre la lutte face à la facilité, à l’inutilité de la vie, et à la terrible torture que représente un esprit qui veut aller là où la société ne veut pas le voir ? Je me demande même qui à 20 ans peut prétendre ça … Certes, il est plus facile de prendre Madonna que Nietzsche comme modèle .

1972, Californie . Bowie démaquillé, un doigt sous le nez, boit du lait à la brique à l’arrière d’une voiture dont les vitres déroulent le même paysage durant des heures . Avec lui, un journaliste lui demande ce qu’il est et ce qu’il fait là . Les yeux rivés sur sa brique de lait, le blondinet répondra : « Il y a une mouche dans mon lait … c’est un corps étranger … et il absorbe beaucoup de lait».

...

Got milk ?

Don't drink the water baby ...

mardi 29 juin 2010

Out of blue comes green


Père,
Mes ailes sont coupées
Et vois ce qui m'a fait chuter
Je suis tellement seul maintenant ...

Mère,
La flamme gelée du temps
Semble s'accrocher à la pluie
Qui ne touche que moi

Je coule tout comme une rivière
Sans savoir dans quelle direction je vais
Si seulement quelque chose pouvait me retenir

Mais peu importe
J'aurais au moins ouvert les yeux

De l'errance naît l'espoir

Mère,
J’ai eu tout faux
Et tout ce que j'ai fait
C'est de me tuer à la tâche

Père,
Je suis tellement fier
D'être né de ta chair
Ton amour me transporte

Et je sais que je peux tout perdre
Que la vie est comme ça … que tu n’as pas le choix
Et alors que je touchais l’horizon
J’ai senti que je pourrais mourir bientôt.

Mais peu importe,
J'aurais au moins ouvert les yeux ...

De l'errance naît l'espoir.


A-Ha - Out of blue comes green

dimanche 27 juin 2010

Never let me down again ... again ... again ...





Creep


Quand tu étais là tout à l'heure
Je ne pouvais pas te regarder dans les yeux
Tu es tout comme un ange
Ta peau me fait pleurer

Tu flottes comme une plume
Dans un monde merveilleux
Et j'aurais tant voulu être spéciale
Tu es tellement spécial

Mais je suis une conne
Je suis bizarre
Mais putain qu'est-ce que je fous là ?
Je n'ai rien à faire ici.

Je m'en fous que ça fasse mal
Je veux avoir le contrôle
Je veux un corps parfait
Je veux une âme parfaite

Je veux que tu remarques
Quand je ne suis pas dans le coin
Tu es tellement spécial
J'aurais aimé être spéciale

Mais je suis une conne
Je suis bizarre
Mais putain qu'est-ce que je fous là ?
Je n'ai rien à faire ici.

Elle court vers la porte
Elle s'enfuit
Elle s'enfuit, s'enfuit, s'enfuit ...

Quel que soit ce qui te rend heureux
Quoi que tu veuilles
Tu es vraiment spécial
J'aurais aimé être spéciale.

Mais je suis une conne
Je suis bizarre
Mais putain qu'est-ce que je fous là ?
Je n'ai rien à faire ici.
Je n'ai rien à faire ici.


Radiohead - Creep

samedi 26 juin 2010

Scintigraphie

humeurnoire.deviantart.com
likn.deviantart.com

Des autres qui ne sont pas n'importe quels autres. "J'ai toujours rêvé que l'on me dise que j'étais l'élue" me confiait une patiente. Ceux-là le sont, pour toujours, bien au-delà de mon coeur - monument aux morts - gravés dans mon âme, ce monument aux mots.

L'hiver se nie


Ci-gît moi.

1983-2003.

Je ne m’y attendais pas ! Même si tout est de ma faute. Personne ne m’a tué, non, je n’étais pas malade. J’aurais pu l’être remarquez, je l’ai si souvent souhaité.

Mais le fait est que je me suis simplement … oubliée.

C’était le 1er novembre, et tout le monde ou presque sait ce que cette date signifie. Il aurait du pleuvoir, il aurait du faire gris, mais non il faisait bleu. L’automne et l’hiver se nient, c’est comme ça ici.

Ce jour-là évidemment mon cimetière était rempli. Enfin, rempli, c’est un bien grand mot pour un si vieux cimetière ! Trois ou quatre personnes, un enfant, une noueuse petite vieille dame, tout au plus. Plus que le reste de l’année, c’est sûr. On n’enterre plus ici, ou si peu, on marche sur les tombes de la poussière à perpétuité. Donc tout reste figé, et ne viennent que ceux qui se souviennent … qui se souviennent vraiment très loin.

Et puis vient moi.

Tous les jours ou presque. C’est facile, j’habite en face. C’est devenu une habitude telle qu’il ne me serait pas venu à l’idée de dire « je vais au cimetière ». C’est une phrase trop particulière pour un évènement aussi normal. On ne dit pas, ou rarement, « je m’endors » ou « je respire ». Alors moi, je ne vais pas au cimetière.

Aujourd’hui, même j’y vis, puisque j’y gis.

Laissez-moi vous le présenter, ce lieu, que vous ne laissiez pas votre imagination tisser n’importe quoi sous prétexte de planter un décor ! En bas il y a la ville, d’abord l’ancienne, et puis la neuve. Car ici, avant, il y avait un château, celui-ci disparu, il ne reste qu’un peuple de croix et de dalles fracassées par le temps et les racines de cyprès. C’est un cimetière de Babel où quand les pierres vous parlent, il n’est pas toujours aisé de les comprendre. Parlez-vous le russe ?

Il y a des étages, de petites suspensions emmurées. Ca et là, du béton, hélas. Et au sol, sous la poussière végétale, les agaçants graviers. Tout est petit, intime, serré, camouflé, on peut se cacher, se réfugier, se protéger, et dominer. Le privilège des rochassiers.

C’est tout ce que j’en dirai, de ce lieu, car le reste dépend de vous. De votre ressenti quand vous pénétrez les lieux, des images qu’il vous évoque, des fantômes qui vous parlent, des pierres que chaque jour vous y apportez, et de celles avec lesquelles vous repartez. A la fin, cela forme un tout, un sentiment à la fois précis car reconnaissable entre tous, et diffus car innommable.

J’en reviens à moi. Au 1er novembre.

Le jour déclinait et parait les pierres d’une douce lumière orangée. Ce jour-là était le seul où cela ne me dérangeait pas de voir d’autres visiteurs : c’était le seul jour de l’année où ils ne faisaient pas semblant de ne pas voir les tombes. Il n’y a rien qui ne m’agace plus que le dédain mâtiné de dégoût de ces figures bariolées qui viennent, guide obscène à la main, admirer la vue ! Imaginez des gens pénétrer chez vous sans vous accorder le moindre regard, simplement pour regarder à la fenêtre !

Je montais les quelques marches me séparant de la partie la plus haute de l’édifice. Par chance, c’était aussi la plus déserte, et je pus ainsi m’éviter les regards aux sourcils arc-boutés dus à ma jupe noire traînant quelque peu sur le sol, ou à mes pantoufles que je gardais parfois. Je m’assis sur le banc, face à la mer, et dos aux tombes de trois jeunes filles de mon âge, et même un peu plus jeunes, toutes trois valétudinaires. J’y songeais souvent, comme je vous l’ai dit, et si moi aussi ? La maladie … la mort annoncée. Prévue. Cause connue. Presque datée. L’amour que les gens mettent une vie à donner offert en une fois sur l’autel de ma souffrance, puis en gerbes et en larmes sur ma tombe.

Ca j’ai connu, ou presque. Aujourd’hui je n’ai qu’à me retourner pour le voir, et baisser les yeux. On n’appelle pas ça « dernière demeure » pour rien … d’ailleurs, peut-être que ça vient de là. Que l’Homme en prononçant ces mots s’est infligé à lui-même une malédiction : « ta tombe sera ta dernière demeure, tu ne pourras aller nulle part ailleurs ». Ainsi, ceux qui restent savent où venir vous rendre visite, maintenant qu’ils ne vous voient plus … quelque part, une maison de retraite, c’est déjà la tombe.

Mais qu’est-ce que j’en sais ? Je ne connaîtrai jamais.

Au fait, je n’avais pas terminé ! Mais c’est ainsi que ça s’est passé : je digressais, comme ça, comme je viens de le faire. Je laissais mon esprit tel Thésée, suivre un fil reliant différents points du labyrinthe de mes pensées. Ce n’était pas la première fois, mais ce jour-là sa quête vers la sortie fut longue. Très longue. Si longue que c’est par ma mort qu’il la trouva.

A force de penser, j’oubliais de me lever, de partir, d’aller me nourrir, de communiquer, de dormir. D’exister. Le gardien ne me vit donc pas. On m’oublia. Je m’oubliais. Et je cessais de vivre.

Ainsi mon esprit hellène arrêta sa marche. Pour un temps. Un temps noir, mat, brut, total.

Puis la quête reprit, doucement, à petits pas engourdis, comme au réveil. J’étais toujours assise, là sur le banc, il faisait nuit … et je sus de suite que je n’avais pas dormi. Non, c’était plus compliqué que ça, l’impression de vide était beaucoup trop vertigineuse, et la solitude infiniment trop pesante … et la tristesse, cette tristesse ! Une semi amnésie où je me souvenais, quelque part au creux de mon noir mat et brut, d’avoir pleuré, d’avoir dit au revoir, d’avoir regretté. Une odeur de sel et de fleurs, oui, et des pas … ce gravier crissant si agaçant.

Une illumination. Une quasi gnosophanie.

Je me tournais d’un mouvement brusque et pourtant éthéré, sûre de ce que j’allais trouver : à côté des trois tombes, une quatrième, plus neuve, plus blanche, et nouvelle.

Ci-gît moi.

1983-2003.

Je reviens vers toi, John William



You'll never understand ...

vendredi 25 juin 2010

Angel Dust.

Les rêves brisés des oiseaux ...
Des mains sales sur des bras maigres
Se posent juste sur ses épaules
Comme un vieil arbre jeune,
Et un peu de sang coule doucement de son nez
Sur le sol, la princesse prend la pose.

Dis au-revoir à la poussière d'ange
Le seul ange auquel tu crois ...

Des doigts sales sur ses mains
Faisant d'insupportables choses
Des portes ouvertes que je ne veux pas voir
Elle en fermera bien une ...
Les ailes cassées par le vrai monde.

La princesse tombe d'elle-même,
Sur le sol, la princesse prend la pose.

Dis au-revoir à la poussière d'ange
Le seul ange auquel tu crois ...

Le sol est froid
Son sang trop chaud
La douleur peut partir
Du premier coup.
Dors, petite princesse
Juste une dernière caresse
Une dernière perle de sang
Roulant sur ton monde
Tout doucement ...
Tu as presque touché
L'arc-en-ciel.

Parfois, je me demande ...


Angel Dust - Aaron

lundi 21 juin 2010

Le fumeur concupiscent


Modeste hommage à M. Théophile Gautier

Il est un endroit où, je vous le dis, mieux vaut ne jamais entrer sous peine de vivre quelque aventure d’aucun qualifierait de peu souhaitable. Si vous aviez le choix entre en pousser la porte et rentrer chez vous, bien au chaud dans la sécurité du connu, il n’y aurait pas à hésiter ! Madame, Monsieur, c’est une question de sens commun, cet endroit par tous les saints, c’est l’enfer ! La tentation sous toutes ses plus voluptueuses et gourmandes formes y est présente, des senteurs enivrantes, des saveurs affolantes, et même figurez-vous … des femmes ! Des dunes d’épiderme couleur d’ébène sur lesquelles soufflent de provocants alizés … une musique dont le rythme vient s’accorder avec celui de votre cœur, et avec une telle précision qu’on craint à chaque instant – au fond de son être – qu’elle ne s’arrête ! Non vraiment, ce serait bien risquer le diable que de préférer, même pour une heure, cette débauche sensorielle à la douce tiédeur de son foyer.

Mais figurez-vous que tous ne sont pas aussi raisonnables que vous ! Je connais un homme … oh mais pardonnez-moi, cela ne vous intéresse peut-être pas. Sans doute avez-vous encore quelque peu le cœur retourné par mes exotiques allusions, cette évocation de perversité … Sans doute, en bon chrétien, n’avez-vous pas envie de savoir ce qui attend l’homme qui tente le diable. Bien sûr, je comprends. Toutefois, cela … pourrait peut-être vous aider à mieux cerner les arcanes de l’esprit d’un pauvre pécheur ? Oui, si vous arriviez à comprendre pourquoi un homme sain, mon Dieu, peut si facilement être tenté par le vice … quels plaisirs il y trouve … connaître mon histoire ne relèverait finalement au pis que de la belle curiosité intellectuelle ! Ne doit-on pas, en bon chrétien, se pencher vers son prochain même le plus éloigné de Dieu ? Alors oui, voilà qui est entendu, je ne puis vous donner tort, assurément.

Je vais donc commencer mon récit, mais n’hésitez pas à m’arrêter si mes mots venaient à vous choquer … et ne les jugez pas eux, dans ce cas, mais bien l’homme et ses actes qui les ont suscités !

Notre homme, appelons le Théophile, n’avait pourtant rien d’un voyou ou d’un débauché. Issu d’une bonne famille et donc bien éduqué, rien ne le destinait à pousser la porte de verre et de métal d’une ruelle sombre et mal famée. Mais certains de ses mauvais amis, étudiants tout comme lui, avaient plusieurs fois glissé à son oreille l’adresse de l’endroit, pétris d’autant de bonnes intentions que le Iago d’Othello. Et notre jeune homme, en proie aux tourments et autres agitations internes dues à son âge et à sa bonne santé – ce n’est pas une excuse, certes ! – fini par céder.

« La maison de Lilith » – c’est ainsi que l’endroit se nomme, je l’inscris là en pure information – offrait une devanture somme toute assez clinquante pour un quartier aussi sombre et délabré. Les deux battants de verre rouge recouverts de fines volutes de fer forgé grossièrement peintes en noir semblaient narguer en toute impunité les portes sales et sages des rares habitations voisines … et, au-dessus de la tête du malheureux s’apprêtant à se faire happer par la bête vulgaire, une lampe, elle aussi de verre bigarré de métal et dont la forme de goutte figurait quelque coulée de bave issue de la gueule béante, éclairait sordidement les circonvolutions ferreuses traçant le nom de l’endroit.

Mais cette inquiétante étrangeté n’affola pas le moins du monde notre jeune inconscient, qui poussa sans sourciller la porte de la perdition. Lumière ! Bruits ! Parfums ! Couleurs ! Quel contraste saisissant avec l’extérieur qui semblait à présent se trouver à mille lieues de cette féerie ! Le nez, d’abord, était saisi d’une odeur brute de tabac parfumé, mais aussi de sucre, et de quelque chose que notre pécheur était encore bien trop jeune pour reconnaître. Et puis les yeux, presque de suite après, se voyaient violenter par des couleurs brûlantes et agressives : du rouge, du violet, de l’or, de l’ocre émanant de lampes semblables à celle de l’entrée, et qui semblaient descendre du ciel même pour presque venir toucher le sol. Mais le ciel, ou du moins le plafond, impossible de le voir ! Toute limite à l’espace était brouillée par d’épaisses arabesques de fumée blanche ou grise lourdement parfumées. Et partout où son regard se posait, assis sur les coussins chamarrés jetés ça et là sur le sol recouverts d’épais tapis, des gens allongés, que dis-je, vautrés ! Sybarites hilares ou évaporés, certains endormis et d’autres s’adonnant, dans une chiche intimité de voiles jetés sur des paravents, à des activités qui firent monter le rouge aux joues charnues de notre pauvre Théophile.

Entre les coussins circulaient, légères et habiles, de jeunes beautés et de splendides éphèbes à demi nus, qui prodiguaient à outrance caresses et gâteaux luisants, baisers et tasses de thé, cajoleries et narguilés.

Et, au milieu de toute cette bacchanale, Théophile constata avec un étonnement non dissimulé, que sur un gros coussin moiré noir et or trônait … un chat. Assis, une expression fortement semblable à celle du contentement humain flottant sur son noble faciès félin, il envisageait de ses yeux verts émeraudes notre héros visiteur, qui en retour ne pouvait qu’admirer l’impressionnant animal dont la fourrure épaisse et satinée n’avait rien à envier à celles – mortes – des vieilles rombières qui venaient parfois se prélasser dans la demeure familiale, durant l’un de ces interminables dîners que les parents de Théophile, en bon notables, affectionnaient tant. Mais cette fourrure-là était bien vivante, il lui sembla même qu’elle vibrait au rythme de la musique et autres sons du lieu.

« Bienvenu mon très jeune ami ! Tu es ici chez toi dans "La maison de Lilith" … Lilith c’est moi ! Maîtresse des lieux, pour te servir … »

Comment se pouvait-il que … Il n’avait encore rien consommé, à peine même avait-il franchi l’entrée ! Et … il entendait parler un chat ! D’ailleurs un chat n’avait rien à faire en pareil lieu, Théophile hallucinait, tout bonnement … ces vapeurs narguilés, sans doute, mais …

« Bien que je sois là pour te servir, j’aurais apprécié de ta part une réponse … un « bonsoir », un « merci », un « je veux ça, je veux ci », que sais-je moi ? Mais un silence, quelle injure … tu sembles pourtant être un garçon de bonne famille. Tu es bien habillé, bien peigné, et je sens sur toi l’odeur d’un repas amoureusement préparé et goulûment dévoré … que te manque-t-il donc pour justifier ton manque de politesse ? »

Et la chatte quitta son luxueux promontoire pour venir se frotter aux jambes de notre incrédule ami. Pour ajouter à son mal-être, tout le monde ou presque s’était tu pour dévisager l’inconnu qui osait manquait de respect à la vénérable Lilith. Devant tant d’insistance silencieuse, et tant d’affection de la part du noble félin, Théophile n’eut d’autre choix que de mettre à bas sa raison en lui répondant :

_ Pardonnez-moi, Madame Lilith. Je ne voulais pas vous offenser. C’est que … je ne suis guère habitué à ce qu’un … être tel que vous s’adresse à moi ! Vraiment, excusez mon inexpérience, vous me voyez confus …

Le chat s’éloigna en émettant un petit bruit guttural semblant exprimer, une fois encore, la satisfaction.

Et toute l’assistance éclata d’un rire tonitruant, un seul gros rire gras qui semblait provenir de toute part et de nulle part à la fois, comme si, effectivement, Théophile était rentrée dans la gueule d’une bête qui à présent se moquait de lui …

« L’idiot ! Clama un homme à la figure quelque peu rubiconde, il parle au chat ! »

Et le rire reprit de plus belle.

Théophile n’en croyait pas ses oreilles, alors que la minute d’avant tout le monde semblait l’accuser du regard de ne point adresser ses salutations au chat, voilà que maintenant ce même monde s’esclaffait aux larmes de l’avoir vu s’exécuter !

Le chat lui-même, réfugié au fond de la pièce, semblait se féliciter du bon tour qu’il avait joué à son hôte, en faisant sa toilette comme si de rien n’était.

Dans quelle maison de fou Théophile était-il rentré ?

Mais les rires cessèrent aussi promptement qu’ils avaient commencé, et rapidement l’attention se détourna de ce nouveau client quelque peu singulier, et chacun retourna à ses éthyliques occupations comme si de rien n’était.

Une serveuse, fort avenante toute parée de ses voiles qui ne dissimulaient pas grand-chose de ses affolantes courbes, invita le jeune homme à la suivre au fond de la salle, non loin de là où le chat Lilith s’était tapi quelques secondes auparavant. Mais il avait disparu, et ne se trouvaient plus maintenant que quelques gros et accueillants coussins verts brodés d’or et d’argent, séparés du reste des places avoisinantes par quelques légers voiles roses poudrés, semblables à ceux qui servaient à dissimuler avec parcimonie la pudeur de la serveuse. Théophile prit place dans les coussins, essayant du mieux qu’il pouvait d’être à son aise sans donner une image trop vulgaire de sa personne, ainsi allongée à même le sol … bientôt, un serveur nubile à la peau de bronze vint poser devant lui un plateau chargé de pâtisseries alléchantes.

En sus, la serveuse qui l’avait invité à s’asseoir apporta une sorte de long vase compliqué, autour duquel s’enroulait un tuyau muni d’un embout métallique.

Un narguilé.

Ainsi, Théophile se retrouva seul, non sans regrets. Une petite part de lui-même – celle qui avait échappé à la juste éducation chrétienne – regrettait que la femme ne soit pas restée lui tenir compagnie. Il repensait non sans envie à certaines d’entre elles qu’il avait vu en entrant, prodiguant caresses et autres plaisirs à des hommes bien plus vieux et bien moins plaisants que lui. Il n’avait pas demandé le narguilé et les pâtisseries – d’ailleurs, il n’avait rien demandé ! – mais fallait-il qu’il exprime son … besoin de compagnie, pour être satisfait ?

Théophile n’osa pas se tenter outre mesure. Il avait déjà eu honte une fois depuis qu’il avait poussé la porte de cet endroit, il ne tenait à recommencer en demandant une femme que, peut-être, on lui refuserait. « Mais vous êtes trop jeune ! » pourrait-on lui rétorquer, ou, pis encore : « Ce serait volontiers, mais aucune de ces dames ne vous trouvent à leur goût ! Ne préfériez-vous pas un de ces jeunes hommes à la peau luisante ? », Car Théophile, bien qu’il eut chastement détourné les yeux – c’est un chrétien malgré tout, ne l’oublions pas ! – avait constaté que les serveuses n’étaient pas les seules à être sollicitées pour des services de chair …

Non, décidément, il s’en passerait. Et tant pis si ces amis devaient se moquer de lui par la suite, à le traiter de pudibond ou de « petit prêtre », comme ils le faisaient parfois ! Il pourrait toujours inventer … en rajouter un peu …

Voyez, Madame, Monsieur, comment le mensonge naît dans la tête de nos jeunes gens !

Notre ami décida alors de porter son esprit enfiévré de voluptueuses pensées sur le narguilé. Bien sûr, il avait déjà fumé, dans l’arrière-cour en cachette, il savait comment faire. Enfin, plus ou moins. Hésitant, le regard balayant nerveusement la salle pour vérifier que personne ne l’observait et risquait de le ridiculiser une fois de plus, Théophile porta le bec métallique à ses lèvres dans un étrange baiser froid et amer. Il aspira, doucement d’abord, pour amener la fumée tel un orvet se couler le long de son palais, fumée qu’il expira ensuite tout aussi précautionneusement, de peur de tousser, de s’étouffer. Comble de la honte, il s’était fait suffisamment remarquer !

Une autre bouffée, ça faisait deux.

Trois bouffées.

Etait-ce lui ou la terre qui tournait ?

Quatre bouffées. Une gorgée de thé. Brûlant ! Parfumé …

Cinq bouffées.

Pour la lumière baissait-elle donc ?

Six bouffées.

Lilith le chat venait de grimper sur la table et de tout renverser.

Sept bouffées.

Un bruit de criquet à ses oreilles. Pénible. En fait … non. S’éloignant, revenant.

Chute du tuyau.

Bruit métallique de l’embout.

Mais non, il y a les coussins, les tapis, comment peut-il y avoir eu du bruit ? Peut-être … à mais oui, le tuyau s’était envolé avant de chuter, plus loin, sur le sol dur. Mais le vase était resté là, pourquoi ?

Le chat bondit sur le tuyau. C’est un serpent ! Mon Dieu c’est un serpent ! Un orvet … mais oui tout à fait, c’est en fait bien normal, puisqu’il l’avait avalé …

Théophile avait avalé l’orvet de fumée.

L’orvet s’enroule autour du chat. L’orvet autour de Lilith. Encore ? Non, pourquoi pense-t-il « encore », n’a-t-il jamais vu ça avant ? Lu ça avant ? Suça avant ?

L’orvet et le chat Lilith s’enroulent, se fondent, ne forment qu’un, grandissent, se déforment, se reforment. Forment. Une femme.

Une belle femme, ça oui ! Bien plus belle que les autres, bien plus douce, bien plus ronde ! Que de courbes … Comment ne pas avoir le vertige ? Surtout que Théophile les dévale à toute allure, Théophile miniature ! Remonte, descend, emprunte la courbe élégante d’un sein, amorce une descente sur la rondeur du ventre, remonter par le tendre bras sur l’épaule charnue … que de virages, il faudrait pouvoir se poser. Voir se reposer.

Voilà qui est fait, Théophile dans la fourrure douce, dans le mou, dans le chaud ! Mais cela bouge encore … qu’est-ce ? Le dos d’un chat ! Le dos gris d’un chat ! Le dos gris d’un chat nommé Lilith ! Lilith l’animal galope partout dans le salon, mais non pas sur son sol, non, sur son plafond, non de non ! La chute sera inexorable !

La chute ! Enfin !

Les coussins.

Plus de chat, plus d’orvet, plus de femme.

Plus personne, la salle est vide.

Vide ?

Vide.

Mais en son centre trône une horloge qui n’était pas là avant. Une horloge avec des branches. Une horloge à sept branches. Comme un arbre à sept branches, sauf que c’est une horloge. Tic-tac-tic-tac-TIC-TAC-tic-TAC-TIC-tac-tac-tic-tic- TAC-tic.

Tic : une pomme pousse à une branche.

Tac : une autre à une autre branche.

Tic : une autre à une autre branche.

Et ainsi de suite … jusqu’à sept.

Théophile se lève. Tic-tac. Approche sa paume d’une pomme. Tac-tic. Porte la pomme à ses lèvres. Tac-tic. Mord la pomme. Tic-tac. Chute. Tic-tac.

« A l’attaque !!! »

C’est le chat Lilith qui hurle, debout sur ses pattes, à son armée d’orvets saouls et casqués. La salle est devenue un immense champ, et l’armée s’apprête à affronter une horde de pommes blanches assoiffées par le rouge du sang.

« Du rouge ! Du rouge ! Du rouge ! » Crient-elles.

Mais les orvets saouls et casqués ont bu tout le rouge, voilà pourquoi c’est la guerre !

Une cohue sauvage, sanglante, improbable se joue devant Théophile : les pommes roulent vers les orvets, et les orvets s’enroulent autour des pommes. Lilith hurle des ordres que personne ne suit tant ils semblent étranges et irréalisables, en tous cas pour notre jeune ami :

« Changez votre fusil d’épaule ! »

Mais les orvets n’ont pas d’épaules !

« Mangez les pommes ! »

Mais les orvets ne mangent pas de pommes !

« Ne saignez pas, c’est ce qu’elles veulent, ces assoiffées ! »

Mais les orvets saignent, et saignent tant et tant que les pommes deviennent rouges, luisantes, appétissantes, comment ne pas avoir envie de toutes les manger ces chéries ?

Lilith a vu Théophile, la voilà qui apostrophe notre jeune ami :

« Toi ! Toi là ! Tu peux nous aider ! »

Et c’est bien volontiers que le jeune homme se jette dans la bataille, prêt à dévorer les belligérantes, le voilà qu’il en a une en main !

Puis plus rien.

Voilà notre ami Théophile prêt à se manger la main.

« Que s’est-il passé ? Où sont les pommes et les orvets ? » Demande-t-il à Lilith qui est restée là.

_ Nous avons finalement décidé de faire la paix, répond le chat. Nous travaillons désormais en étroite collaboration.

_ Comment ça ? Interroge le jeune homme.

_ Miaou !

Le chat se lave l’arrière-train et s’en va. Foutu chat ! Foutue femelle !

Et Théophile qui n’a toujours pas pu croquer une pomme …
L’horloge à pommes elle aussi a disparue. Maintenant, il y a un homme. Un homme qui le fixe. Un homme nu.

« Il y a un diable qui t’attend devant la porte »

Théophile veut demander « quoi ? », ou « comment ça ? », mais il n’a pas le temps de choisir, car l’homme a disparu, et à la place tous les gens, tous les clients sont revenus. Les serveurs aussi. Tous sont là, comme au début, sauf qu’ils n’ont pas d’yeux, pas de bouches, et d’immenses oreilles.

Lilith est là.

Théophile s’apprête à lui demander les raisons de cette infamie, mais aucun mot ne veut sortir de sa bouche, et pour cause : Lui non plus n’en a pas ! Il touche ses oreilles, elles sont immenses ! Pourtant, ses yeux sont toujours là … heureusement !

« C’est parce qu’à toi Il se montre, dit la chatte, sinon, Il ne fait que verbaliser, et on n’a pas le droit de répliquer. C’est à cause de l’autre andouille, qui n’est pas sorti de derrière son horloge ! »

Théophile voudrait répondre que « l’autre andouille » est bel et bien sortie, puisqu’il l’a vu !

« Ah oui, mais maintenant c’est trop tard, répond Lilith le chat spiritiste. Le Mal est fait. Enfin si ça t’embête vraiment tout ça, tu peux peut-être demander de l’aide à Yeshoua, c’est celui-là avec la lame. A toi de voir. »

Et effectivement, au milieu de tous ces hommes-monstres, se trouvait un homme normal, pourvu d’une bouche pour parler, d’yeux pour voir, et d’oreilles à dimension humaine. Tout chez lui inspirait la confiance : son gracieux visage, sa belle tenue, ses beaux cheveux dégoulinants pourtant d’eau, tout … sauf le fait que, sourire béat aux lèvres, il s’évertuait à ouvrir le visage de pauvres volontaires à l’endroit où devait se trouver la bouche et les yeux, pour ensuite leur découper les oreilles jusqu’à ce qu’elles possèdent une taille normale.

Et non seulement personne ne hurlait de douleur, mais la file d’attente pour se faire ainsi trancher les chairs grossissait ! Pour autant, aucun des pauvres découpés ne parvenait à voir plus loin que le bout de son nez ou à articuler un son cohérent … tout n’était que sang giclant à gros bouillon, perpétuellement, sans que cela ne semble gêner personne.

Soudain, Yeshoua vit Théophile. Dans le regard de l’homme à la lame passa une étrange et inquiétante lueur, malgré le sourire qu’il essayait d’avoir toujours aussi bon.

« Mon ami ! S’écria-t-il, je vais te délivrer ! »

Et il se précipita, lame à la main tel un dément, vers notre pauvre jeune ami, suivi par la meute d’écorchés, encourageant de leurs pitoyables gémissements l’initiative de Yeshoua !

Théophile voulu se tourner vers Lilith et lui demander de l’aide, reformer l’armée d’orvets pour le défendre contre cette barbarie, mais de la maudite femelle aucune trace ! Notre ami n’avait d’autre choix que de se précipiter vers la sortie, mais Yeshoua avait compris son intention, et se matérialisa bien plus vite qu’un homme normal devant le dernier espoir de salut de notre jeune, trop jeune pécheur.

La meute d’écorchés, ainsi que les autres qui attendaient le même sort, ne tarda pas à fondre sur Théophile pour l’immobiliser au sol. Il avait beau tenté de se débattre comme un diable, ses bourreaux étaient bien trop nombreux pour lui laisser un quelconque espoir de victoire. Yeshoua eu tout le loisir de prendre son temps pour s’approcher de sa pauvre victime, et de se pencher, sourire aux lèvres et lame à la main, sur son visage terrorisé et baigné de larmes. Les cheveux du tortionnaire libérateur dégoulinaient toujours, et l’eau tombait sur le visage de Théophile à l’endroit où aurait du se trouver sa bouche … mais malgré l’absence d’orifice, le jeune homme sentait l’eau couler dans sa gorge ! Elle coulait ! De plus en plus vite, de plus en plus ! Tant et tant que Théophile ne parvenait plus à l’avaler, mais il ne pouvait, comble du malheur, pas la recracher non plus !

Il ne fallut pas longtemps pour que notre pauvre ami s’étouffe. Et sa dernière pensée fut que c’était mieux comme ça, qu’il n’aurait ainsi pas à sentir l’atroce lame de Yeshoua.

On retrouva au petit matin le corps inanimé de Théophile, face contre terre et bouche grande ouverte dans le caniveau, devant "La maison de Lilith".

Le légiste conclut sans hésitation à un évanouissement probablement éthylique, suivi de noyade.

Partout on déplora un tel évènement, une telle honte qui venait d’éclabousser une famille de bons notables chrétiens. Comment pourraient-ils désormais organiser des dîners ? Ne seraient-ils plus jamais invités nulle part ? Et comment, par tous les saints, affronter les regards accusateurs le dimanche à l’église ?

Ah, quel mauvais fils, quel mauvais chrétien était-ce là !

Voyez, Madame, Monsieur, comme vous faites bien de garder la bride serrée autour du cou de votre progéniture, car le diable la guette au coin de la rue ! Peut-être même devant votre porte !

Et vous ne pourrez pas dire que Lilith ne vous aura pas prévenus …

dimanche 20 juin 2010

Paris Noire


w-hell-come

Leakim.

Si proches, peu importe à quel point
Car on ne pourrait pas l'être plus du coeur ...
Croire pour toujours en qui nous sommes,
Et rien d'autre ne compte.

Je ne me suis jamais confiée de cette façon,
La vie est à nous, on la vit à notre manière
Tous ces mots que, simplement, je ne dis pas ...
Et rien d'autre ne compte.

La confiance que je cherche, je la trouve en toi.
Chaque jour, pour nous, quelque chose de nouveau,
S'ouvrir, pour une autre vision des choses ...
Et rien d'autre ne compte.

On s'en fout de ce qu'ils font
On s'en fout de ce qu'ils savent
Et je sais ...


Metallica - Nothing else matters

samedi 19 juin 2010

Ambre.

The feeling begins

http://www.youtube.com/watch?v=uTAaKAVpOOM

La douleur l'arrache à la torpeur, et le goût métallique du vinaigre dans la bouche ...
Tu ne mourras pas.
La chaleur soulève en lui des vagues d'acier tranchant, à chaque passage, un peu plus de ses entrailles.
Les mouches s'agglutinent à la sueur de sa peau, au sang de ses plaies, se noient et hurlent à son oreille sourde.
Tu ne mourras pas.
Le cri de la souffrance est devenu tissu, il l'enveloppe comme une chape cousue du ciel gris et blanc.
Myriam pleure vers lui, comme une pluie venue du sol.
Tu ne mourras pas.
La prière de Yehouda. La supplique de Yehouda. "Ainsi, pourtant, tu me rendras Grâce". Les lèvres sèches et salées de Yehouda. Yehouda.
Une bouche souffle à son visage les images de sable. Le serpent, le feu, la lumière. Le serpent, le porteur de lumière. La terreur. La terreur et la Croix. Le Gulgūltá hérissé de ses morts ... de Yeshoua.
Au-delà de l'horizon les maisons brûlent.
Yeshoua,
Tu ne mourras pas.
Tu ne mourras pas.
Tu ne mourras pas !

vendredi 18 juin 2010

Psychanalyse ...

Quelque chose en moi, sombre et collant
Qui devient plus fort à chaque fois
Pas moyen de m'arranger avec cette impression
Mais ça ne peut pas continuer comme ça

Cette fois tu es allé trop loin
Je t'avais prévenu

Ne me répond pas
Conduis, c'est tout
Ferme la
Je sais ce que tu es
Ne dis rien
Laisse tes mains sur le volant
Ne fais pas demi-tour
C'est pour de vrai

Fouiller la merde
Reste avec moi, j'ai besoin d'aide
Je fouille la merde
Pour trouver les endroits où j'ai été blessé
Pour découvrir les endroits où j'ai été blessé

Plus je regarde, plus je trouve
A mesure que je me rapproche, je deviens aveugle
Je le sens dans ma tête, je le sens dans mes orteils
Je le sens dans mon sexe, c'est là où ça va ...


Peter Gabriel - Diggin' in the dirt

A little piece of ...

jeudi 17 juin 2010

Esprit

Je suis l'esprit chez toi
Qui t'appelle
Mon souvenir s'accroche
Tu ne seras jamais plus le même
Je suis le trou dans ton coeur
Je suis la trace dans ton lit
Le fantôme entre tes doigts
Les voix dans ta tête ...

A peine un effleurement
Suffit à t'attirer
A te laisser pantelant,
Un baiser, tu as payé le prix
Tu as eu un goût
Du paradis

Et là tu tournes en rond
Poursuivant d'imaginaires traces de pas
T'élançant vers des ombres
Dans le lit où une fois j'ai dormi

Je suis l'esprit chez toi
Qui t'appelle
Mon souvenir s'accroche
Tu ne seras jamais plus le même
Je suis le trou dans ton coeur
Je suis la trace dans ton lit
Le fantôme entre tes doigts
Les voix dans ta tête ...

A peine une pensée
Tu perds le contrôle
Tu fais des erreurs
Cette souffrance ne partira jamais
Jusqu'à ce que je meure
Tu seras à jamais en peine

Et là tu t'effondres
Où que tu ailles tu vois mon visage
Tu parles à des étrangers
D'un endroit qu'il n'ont jamais connu

Je suis l'esprit chez toi
Qui t'appelle
Mon souvenir s'accroche
Tu ne seras jamais plus le même
Je suis le trou dans ton coeur
Je suis la trace dans ton lit
Le fantôme entre tes doigts
Les voix dans ta tête ...


Ghost - Depeche Mode

Ghost

Breathing in fumes

mercredi 16 juin 2010

Viens ...



Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse moi plonger dans tes beaux yeux,
Mêlés de métal et d'agate.

Lorsque mes doigts caressent à loisir
Ta tête et ton dos élastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,

Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bête
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,

Et des pieds jusques à la tête,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.


C.Baudelaire - Les fleurs du mal

Darkness


J'ai peur de nager dans la mer
De sombres formes se meuvent sous moi
Chaque peur que j'avale me rend petit
Des choses imprévues arrivent
Les alarmes sont tirées
Les souvenirs bougent.

Ce n'est pas comme ça que ça devrait passer.

J'ai peur de ce que je ne connais pas
Je déteste être miné
J'ai peur de pouvoir être démoniaque
Aussi bien que divin ...
Ne me cherche pas, mes limites sont courtes
Les fragments me rattrapent sous cette peau.

Et quand je laisse les choses se faire
Il n'y a plus de contrôle sur moi,

J'ai mes peurs
Mais elles ne m'auront pas moi.

Marcher à travers les sous-bois, vers la maison dans la forêt,
Plus loin je vais, et plus ça devient sombre
Je jette un oeil par la fenêtre
Tape à la porte
Et le monstre dont j'étais
Si effrayé
Rampe sur le sol
Il rampe sur le sol tout comme un petit garçon.

Je pleure autant que je ris ...

Je crains d'être materné
Avec mes couilles coincées dans le stylo
J'ai peur d'aimer les femmes
Et j'ai peur d'aimer les hommes
Des flashbacks viennent chaque nuit
Ne me dis pas que tout va bien.

Et quand je laisse les choses se faire
Il n'y a plus de contrôle sur moi,

J'ai mes peurs
Mais elles ne m'auront pas moi.



Darkness - Peter Gabriel

mardi 15 juin 2010

Here is the house ... two

Here is the house

Si je pouvais revenir, une nuit, dans ma maison, je revivrai les jours où il y avait encore bien d’autres nuits. Je descendrai les escaliers par la rambarde, sur les fesses, et je tomberai en bas, j’effriterai le mur en pierre avec mes doigts. Je me cacherai sous les marches, derrière le panier à linge, contre les livres de mon père – les vieux livres aux couvertures épaisses et aux titres dorés, les vrais livres – et j’écouterai mes parents vivre, en haut. Je regarderai le film avec mes oreilles, les mains fermées sur ma bouche pour pas qu’elle ne crie pas ou qu’elle rigole pas. Dans la cuisine, j’ouvrirai le plus doucement du monde la boite à gâteaux en métal rose, avec des petites anglaises dessus, et des biscuits au chocolat dedans. Je piocherai de quoi affronter les dangers de quelques chapitres d’un livre ou quelques cases d’une bande dessinée. La petite princesse, Donald, Dr Jekyll et Mr Robinson … Je m’assiérai sur le rebord de ma fenêtre pour regarder le citronnier se découper sur la frise ancienne de la maison voisine, parfaite image d’une Côte d’Azur jaune, parfait condensé d’été. Je jouerai de la guitare, plus pour l’image que pour le son, en regardant en face « le Canada » : un sapin, une montagne, un couloir aérien … le Canada. Sur ma terrasse je me pencherai pour tenter d’apercevoir mon cher cimetière, je guetterai les fantômes, je n’ai pas peur, je peux aller me cacher s’il y en a un qui vient. Et ils viennent. Ils parlent en haut la nuit, quand je dors, ils organisent un repas, ils dansent un peu, ils rigolent beaucoup. Ils chuchotent mon nom à mon oreille en riant. Ils me disent « chut ». Ils m’appellent. Cette fois-ci, pour ma dernière nuit, je viendrai. Je me ferai couler un bain … un bain … brûlant, transparent, plein d’huiles, de sels, de parfums, de lumières, de musiques, un bain de nuit. A peine sortie, j’irai me réfugier dans les draps frais, je taperai sur le pied de mon lit en appelant : « Pompon ! Viens mon beau, viens ! », et j’entendrai mon chat dévaler les escaliers et se jeter à mes pieds en miaulant. Je l’entendrai seulement, mais ça sera déjà ça. Et puis j’irai le voir. Je me coucherai sur sa toute petite tombe cachée sous le laurier, et je serai toute petite moi aussi. J’aurai 8 ans. Je grimperai au mandarinier, et le plus haut possible je parlerai à la lune, dans ma tête, c’est là où je suis née. Je m’allongerai sur les balustres pour regarder les étoiles, il y en a peu, je les connais toutes. Je remonterai, regarder le soleil se lever sur les croix de la cuisine, sur la montagne, sur mon rêve.Si je pouvais revenir, une nuit, dans ma maison, je revivrai les jours où il y avait encore bien d’autres nuits.

lundi 14 juin 2010

1872

Me voilà plongée dans le noir. Je ne respire pas … bien sûr que je ne respire pas, pas plus que mon cœur ne bat et ne fait circuler le sang dans mes veines. Je suis exsangue, mais je pense. Je ne ressens pas grand-chose toutefois. Ni peur, ni peine, ni paix, ni rien de ce à quoi je m’attendais. Et mes sens … On dirait que je n’en ai plus qu’un, comme si j’étais ce que je sentais, ou observais, ou goûtais, ou entendais, ou touchais. Oui, c’est cela, je suis ce que je perçois. Et là je suis de la chair, de la terre, et du bois.

Puis-je encore me souvenir ? Oui … oui, je me rappelle, petit à petit.

Maman était malade, comme tous les hivers, mais plus que d’habitude. Car d’habitude, il n’y avait pas de sang dans ses toussotements. Que de tourments, maman …

Papa nous emmena alors sur la Riviera, là où le climat doux et iodé était si réputé. Respire ma petite mère, respire le bon air. Nous chassions les crabes du bout de nos pieds chaussés, mais sans cesse ils revenaient.

Et maman mourut.

Il ne restait que moi, et papa, et plus personne entre lui et moi. Papa faisait si jeune, si frais, si épanoui, et moi, accablée, la peine peignait sur ma face le masque des années. Nous passions pour ce que nous étions, malgré moi, quand le soir tombait.

Je ne mis pas longtemps à me faire couler le sang, pour pouvoir ensuite être enterrée tout près de maman, là, tout à côté de ses bras.

Et voilà que je me réveille dans mon berceau tout fermé. Je vais gratter, creuser, casser, je vais lentement la gagner, dans son petit lit frais.

Enfin, je m’endormirai pour de vrai.

Paris Noire II

Paris Noire

dimanche 13 juin 2010

... with your sister in the moon

Sister of Night

Sister Of Night

L’Une portait en son nom le Sauveur.

Son visage opalescent, ses yeux de carbone, son opulente chevelure de nuit, ses courbes affirmées et douces faisaient l’envie de tous. Sa beauté fine et racée, sa voix grave et légèrement voilée, et son regard à la fois innocent et défiant lui conféraient le plus secret mystère. Mais de tout cela, et de tout ce qu’elle était ou n’était pas, elle s’en fichait : « ça n’a pas d’importance » aimait-elle répéter.

Et l’Autre le secret.

Transparente aux yeux des gens à force d’être blanche et de s’habiller d’ombre. Le regard acéré comme rempart à sa fierté, il semblait qu’elle portait dans ses mots le poids des tourments qu’elle n’avait jamais connus. De toujours, elle avait l’impression que quelque chose dans son esprit était vicié, divisé, écartelé.

Et leurs noms qui se traçaient d’abord par un croissant, rimaient.

Celle de la Croix reçue un jour en cadeau un miroir encadré d’ébène, sur lequel s’étaient posés quelques pétales de rose séchés, et tâché d’éclats de cire noire. Elle le posa près de son lit et s’y regarda se regardant, quelques instants. Puis son visage disparut, et elle vit à la place un grand portail à la peinture écaillée, en haut d’escaliers, devant lequel tournoyaient calmement quelques pétales de roses noircis et fanés. Avançant sa main pour toucher l’étrange reflet, il lui sembla qu’elle tombait, et trouva sous sa main douce la froideur de la pierre, et, face à elle, un cimetière.

Elle se releva pour constater que sa tenue avait changée. Elle était désormais vêtue d’une sombre robe dont le corset de moire oppressait la blancheur de ses courbes affolantes. Ses cheveux s’emmêlaient à la chaîne précieuse d’un médaillon ouvragé, surmonté d’une pierre noire. Quand elle l’ouvrit, ses yeux découvrirent le visage d’un jeune homme qu’elle ne connaissait pas. La photo, comme la robe, semblait dater du XIXème siècle.

Quand elle put enfin se détacher du mystérieux portrait, son regard fut attiré par une sombre silhouette qui se tenait au fond du cimetière, et qui semblait la fixer d’une froide patience. Malgré la peur et – pourquoi Diable ? – la tristesse qui oppressait son cœur, elle entreprit de rejoindre l’inconnu, ses pas se faisant plus pressant sur le gravier crissant à mesure qu’elle avançait.

Au bout de quelques pas, il ne fit aucun doute que le jeune homme qui l’attendait était celui du médaillon : les mêmes cheveux de jais, les mêmes yeux glacés, la même expression à la fois hautaine et désolée. Mais elle n’eut pas le temps de l’atteindre complètement qu’il se dirigea vers une allée obscure, l’invitant à le suivre.

A peine avaient-ils dépassé ce qui semblait âtre la dernière tombe de ce siècle et du dernier, que la nuit tomba aussi brusquement que le rideau sur la pièce achevée. Malgré la rassurante odeur des cyprès, le cœur oppressé de la jeune femme s’accéléra.

C’est au détour d’un escalier qu’elle la vit, celle qui l’attendait, la gardienne du secret. Rassérénée par quelle antique magie, elle s’avançait d’un pas assuré vers sa nouvelle compagne, sa sœur de la nuit. Elle voulue se retourner pour voir si le jeune homme était toujours là, mais il avait disparu. Elles n’étaient donc plus que deux, mariées par la lumière laiteuse de la lune, réunies près d’un catafalque aussi blanc qu’un sein, aussi blanc que leur peau, sur lequel on pouvait lire qu’y reposaient deux amants décédés le même jour d’hiver 1882.

« Elle lui manque, murmura celle du secret, c’est pour ça que je t’ai invitée ici, je l’ai entendu t’appeler à travers ma chair qui brûlait. J’ai du briser le sceau de ta volonté pour t’amener à te tuer. Ne me regarde pas ainsi, ma douce sœur de la nuit, car tu ignores tout d’un corps en flamme, c’est un enfer sans fin qui brûle au nom du désir. Son enfer à lui, et tu dois le rejoindre. Parce que tu es elle, et qu’elle est toi.

_ Et pourquoi pas toi ?

_ Parce que dans ce monde, je suis lui. C’est pour cela que je tremble en te voyant : touche-moi, tu verras. Ils pleurent maintenant, regarde-les.

Celle du secret désigna du doigt le jeune homme qui avait guidé celle-qui-doit-se-sacrifier-pour-les-hommes, il tenait la main d’une frêle jeune femme qui presque en tout point ressemblait à notre douce condamnée, et qui la regardait, suppliante et meurtrie.

_ Mais comment ? Demanda celle du Christ.

_ Si tu crois en l’amour, rien n’est impossible, répondit celle du secret.

Et elle découvrit ses deux canines acérées – oh ma sœur de la nuit, embrasse-moi – qu’elle plongea dans la gorge tendre de la suppliciée.

Jamais sa peau ne fut plus blanche, avant qu’elle ne boive le sang mêlé au sien et renaisse à la pâleur de la nuit.

« Je peux entendre ton âme hurler, laisse toi aller, laisse tes émotions monter ».

Et celle du Christ se releva. Plus radieuse et plus douce que jamais, emplie d’un sang nouveau, d’une âme nouvelle qui jamais ne la quitterait …

Ils avaient disparu.

Elle était là.

Oh ma sœur de la nuit, embrasse-moi.

5:15

En vie de nuit

La journée, les heures, les gens, le bruit. Tout disparaît à mesure que vient la nuit. Après la guerre du feu céleste, comme un tableau de peintre ivre, du orange, du rouge, du bleu n’importe comment, n’importe où … vient le noir lumineux. Nous roulons, nous marchons, nous courrons, ce que les mots n’ont pu dire aujourd’hui, le silence le révèle ce soir. Le noir éclaircit tout. Je deviens vampire : ma peau est glacée, mon cœur brûlant, et mes sens aspirent tout ce que mon corps peut contenir de tes mots, de ta chaleur, de ton odeur, et de tout ce qui nous entoure, visible et invisible. Je pourrais chanter, je pourrais hurler, je pourrais me taire. Je suis là et ailleurs, je rêve d’endroits où je ne suis pas, et si j’y étais, je rêverais d’ici. Je me souviens des dunes d’Essaouira où je passais mes nuits sous des ciels incroyables, de la lune immense d’Ankara que je croyais pouvoir boire quand elle se reflétait dans mon verre, de la lagune narcotique de Venise et du piano sur lequel jouait mon ami : étrangers dans la nuit … des ponts de Paris, sous un ciel aveugle. Il faudrait que je reparte. Ici ou ailleurs. Maintenant ou un jour. Avec ou sans toi.

Variations autour de l'encens ... III

Autour de l'encens ... II

Autour de l'encens ...