lundi 31 janvier 2011

"Un brin d'humour ne fait jamais de mal ..." II

Je pense donc je me tais.

Collègue, supposé faire le même métier que moi :
"Toi aussi tu es migraineuse ? Ah ben c'est comme ma femme alors. L'ex de ma femme aussi d'ailleurs. Mais elle c'est seulement pendant ses règles, c'est pour ça qu'elle ne prenait plus la pilute ... et toi ?
Je pense :
_ Tes infusions bio, c'est les tampons usagés de ta femme, c'est ça hein ?
Je réponds :
_ Je ... ah oui ? Ca alors dis donc ... non euh ... non.


Stagiaire, 1er jour de son 1er stage de sa 7ème vie de chat psychotique :
"CPJ, ça veut dire Centre Pour Jouer, un truc comme ça non ? Bon, euh ... je vais trainer un peu devant le bureau de la secrétaire, observer un peu quoi ... comment ça s'appelle ça ? Et quand vous dites mentaliser l'image du corps, ça vient faire écho à ma subjectivité par rapport à Lacan ..."
Je pense :
"La bouilloire est là. Ma tasse c'est la noire (et tu t'abstiens de tout commentaire). Mon thé c'est celui-là. J'arrive à 8h40, à 8h41 je le veux chaud, ordi allumé, soleil incliné à 35°sur ma nuque. Et ta subjectivité en écho, tu la découpes en petit carré et tu vas la mettre aux chiottes, parce qu'il y a plus de papier"
Je réponds :
"N'hésites pas à mettre tes questionnements au travail"


Stagiaire, etc.
"Je me permets d'intervenir pendant votre séance si vous le permettez, il me semble que ce que madame soulève là, c'est exactement ce que décrit Lacan dans le séminaire 12 verset 2 !"
Je pense :
"Exactement Bernard ! Sais-tu par ailleurs que Lacan incite les futurs cliniciens à regarder leurs ongles de pied pousser avant d'ouvrir leur gueule pour chier du vide ? Je t'invite donc à fixer attentivement ton gros orteil, et à attendre que l'ongle grandisse d'environ 10cms avant de te permettre de m'interrompre de nouveau pendant que je bosse. Bien sûr Bernard, tu pourras coller la rognure du dit-ongle en annexe de ton fabuleux mémoire qui, j'en suis sûre, va révolutionner la praxis clinique."
Je réponds :

"N'hésites pas à mettre tes questionnements au travail"

Patiente :
"Je ne sais pas si c'est parce que j'ai été violée à 18 reprises par le teckel irlandais de ma mère ou si c'est à cause du Galak périmé que j'ai utilisé pour me suicider quand j'avais 8 ans, mais toujours est-il que je n'ai jamais pu supporter de voir mon mari se gratter les roustons en regardant Enquête Exclusive. Le jour où je l'ai vu arborer une lavallière orange et prétendre qu'il allait démenteler le cartel de la drogue à Vera Cruz, j'ai commencé à systématiquement compter tous les boutons d'acné sur la gueule de mon fils, 800 fois par jour, et à éclater les nombres impairs. J'en peux plus docteur ["je ne suis pas docteur"], pardon docteur."
Je pense :
"Nutella. Stick pour les lèvres. Activia coco. Le petit marseillais qui sent bon là ... 'tain j'ai oublié un truc"
Je réponds :
"N'hésitez pas à mettre vos questionnements au travail"

Collègue :
"Alors Marie-Jo tsé elle me sort ouaaaaaaaaaaaais euh voilàààààààà toi t'es là ça fait 3 ans, moi je bosse depuis 22 ans tsé, je postule au même truc et genre comme par hasard j'ai le poste tu vois, genre sous-entendu tsé j'ai couché pour l'avoir tu vois ? Non mais putain sans déconner c'est pas abusé sérieux ? Sans déconner tsé j'ai fait 8 ans de psychiatrie, elle tout ce qu'elle a fait c'est nettoyer les chiottes en addicto, et genre parce que madame tsé ça fait 22 ans qu'elle suce la b*te à Rochon, ça y est elle est arrivée ! Non mais en plus tu sais pas ce qu'elle me sort cette conne ? Non mais attends après je juge pas sur ce qu'elle professionnellement tsé, mais sérieux elle me fait ouaaaaaaaaaais euh voilààààààà ..."
Je pense :
"Petits oursons de Lu ! 'Taaain voilà, j's'vais qui me manquait un truc !"
Je réponds :

"Hmm hm. Tu as pensé à mettre ces questionnements au travail ?"

Cantine (menu) :
Poulet basquaise - riz safrané - renversé de pommes maison
Je pense :
Poulet ketchup - riz sec et jaune - tombé de pommes du camion
J'ai :
Lapin chasseur - pâtes vertes - flan à rien.

DRH :
"Le poulet a un goût de lapin, c'est immonde !"
Je pense :
"Ouais grave, j'adore tes problèmes. Sinon je vis depuis un mois sur un demi-salaire d'une sous-catégorie sur service public, je me déplace en couette chez moi, et mon dernier repas chaud ne comportant pas de triglycérides polyphosphatées remonte à samedi soir, et c'est parce que je n'étais pas chez moi. Je peux vous inviter à diner pour parler du versement de mon salaire ? Vous aimez les blattes et la soupe Casino ?"
Je réponds :
"Ah tenez justement, en parlant de manger, vous auriez une idée des modalités de ma première rémunération ? Je dois aller chercher un chèque quelque part ou bien ... ?"


Comme dirait Pénélope ...

dimanche 16 janvier 2011

Chaînon manquant


J'ai fait la liste de toutes les personnes que j'avais croisées et dont j'ai pu me rappeler. Pour chacune, j'ai associé un mot, un seul, un signifiant singulier renvoyant à des centaines de signifiés ... comme le premier maillon du chaîne. On en revient toujours au premier, mais on n'en fait jamais le tour.

Je n'ai rien sur moi, tout me quitte toujours, même ce qui est arrimé à ma peau. Une forme de sublimation devrait sans doute s'opérer avec une alliance, un tatouage, quelque chose qui par essence doit rester ... une fusion, une mutation, une métamorphose. Un petit papillon.

"Trahi une fois, honte à l'autre. Trahi deux fois, honte à toi"

Aujourd'hui, veille d'un nouveau premier jour, en attendant le suivant.

Mouillée est la mer ! (wet and sea).

dimanche 9 janvier 2011

Réflexion


De l’autre côté du miroir, je vois l’autre me regarder. Dans les brumes d’encens et les vapeurs dorées, son image se trouble et semble vaciller. Les heures tournent à l’envers, et c’est comme regarder le soleil se coucher du mauvais côté. La part obscure s’empare de mes mains et les font voyager bien au-delà de mon regard, dans des recoins obscurs, tièdes et humides, comme un corps assoupi. Il se pourrait que cela ne s’arrête jamais, si seulement ça avait pu réellement commencer … le défaut de réalité pousse le corps et l’âme dans les limbes où l’illusion est reine, l’image y erre loin de tout ce qui pourrait nous ramener à la terre. Les murs sont immobiles, le cœur est vide, et les mains pleines.