mardi 9 avril 2013

Victime et bourreau

Je laisse passer ce sentiment. Cette affreuse sensation de cœur qui se vide, se glace, et se durcit comme de la pierre. J’accepte … parce que je l’ai bien cherché, parce que je ne sais pas faire sans longtemps, parce que la souffrance me rend le ciel plus bleu, le soleil plus brillant, et les gens plus humains. Quand je m’arrange pour tomber dedans, que je me regarde recommencer sempiternellement la même erreur, et prendre plaisir à me brûler, j’ai plus d’indulgence, de tolérance, et même d’Amour pour ces personnes qui prétendent venir se soigner d’elles-mêmes. Je ne sais pas le nommer. Je ne sais pas ce que c’est : un sentiment, une émotion ? De la peine, de la nostalgie, de la jalousie, du regret,  ? Pis, des remords ? Quand l’ai-je ressenti pour la première fois, et surtout : pourquoi y ai-je pris goût ? Cet état me rend étrangère au monde, étrangère à moi-même. Ce qui l’instant d’avant occupait toute la place de mes idées et de mes sentiments, me procurait joie et insouciance si bien imitées, tout cela devient soudainement froid, creux, sans intérêt. Mais je laisse passer. Je commence à le connaître, à me connaître … je sais que je ne peux rien faire d’autre. Qu’un matin il aura disparu, ne laissant derrière lui qu’une toute petite piqûre qui disparaîtra au premier sourire, à la première bonne nouvelle, et que la vie me semblera presque douce de nouveau, mes choix seront de nouveau les bons, mon cœur me laissera tranquille. Jusqu’au prochain creux. Le prochain glissement, ce moment où je guetterai, provoquerai, m’appuierai sur l’arbre un peu trop fort, « sans faire exprès », pour voir si un nouveau fruit tombe. Je le regarderai, à mes pieds, brillant comme un rubis, appétissant à souhait, et comme l’alcoolique qui sait qu’il se détruit à force de boire mais qui avale encore une goulée, et puis une autre … je le saisirai du bout des doigts et le mordrai à pleines dents. Foutu pour foutu. Un jour, le sais, il m’empoisonnera pour de bon.