vendredi 4 octobre 2013

Aventine

http://www.youtube.com/watch?v=6h9XUYj96ho

Bien sûr que je me rappelle de ta main dans la mienne. Bien sûr, je n'étais plus tout à fait là déjà, mais j'ai emporté dans mon voyage cette sensation. Humaine, si terrienne. La seule dont je puisse encore me rappeler aujourd'hui, là où je suis, de là où je t'écris. Je t'entends m'appeler tous les jours. Ne crois pas que je t'ignore parce que je ne te réponds pas, je suis là, mais tu ne m'entends pas. Tu ne serais pas d'accord, mais je pense que c'est mieux comme ça ... Un jour tu arrêteras de m'appeler. Un jour tu rangeras mes bijoux et mes écharpes dans la grande boîte que ta mère m'avait offert, et un jour plus loin tu rangeras la boîte. Je sais bien que tu te débats contre cette idée, mais demain n'est pas encore aujourd'hui ... et aujourd'hui tu pleures. Tu trouves que tout est gris, que la nourriture que tu te forces à avaler a un goût de cendres, que les gens sont stupides et ne savent dire que des choses stupides. Stupides et inutiles. Je sais aussi que tu me hais. Ce jour de mai j'ai capturé dans mon coeur et dans mon âme une partie de toi dont tu savais que jamais je ne te la rendrai. Tu m'en as voulu n'est-ce pas ? ... tu as prétendu que cela ne te faisait rien, que je pouvais la garder, que tu n'avais pas d'âme, pas de coeur. Rien. Et puis je t'ai laissé te faire à l'idée, je t'ai promis que jamais je ne m'enfuierai, que jamais je ne t'abîmerai. Mais tu sais bien que quand on aime, on promet toujours ... comme les collines de Rome, que l'on devait photographier à l'automne. Et moi je sais bien que ce n'était pas de ta faute ... La vie n'est pas la partie la plus simple de notre existence. Ce que nous soupçonnions existe bel et bien, cette lettre en est la preuve, même si hélas je ne peux te la confier qu'en rêve. Demain matin tu te réveilleras, et tu te souviendras de chaque mot. Si tu ne les notes pas immédiatement après avoir ouvert les yeux, ils seront perdus à jamais ... alors s'il te plait, n'oublie pas. J'avais cette intuition tu sais, que les morts pouvaient communiquer avec nous dans les rêves, que toutes ces choses que l'on voyait et qui refusaient de s'inscrire dans la mémoire ne pouvaient être que le fait de l'inconscient seul. Comment de simples cellules nerveuses pouvaient-elles peindre une planète que je n'avais jamais vue ? Des personnes que je n'avais jamais connues ? Comment pouvaient-elles me faire ressentir des émotions qui ne m'appartenaient pas ? Et à quoi bon ? A quoi bon rêver de cela, une fois que les rêves communs étaient passés, les “rêves de rangement” comme je les appelais ... Aujourd'hui je sais. Et j'espère que toi aussi, tu sauras. Et que cela te réconfortera, mon Amour, de savoir qu'il existe dans l'Espace-Temps un “endroit” où peut subsister ce qui n'a plus la possibilité de s'exprimer sur Terre. Cet endroit, je l'ai appelé Aventine, en hommage à ce voyage que nous n'avons pas fait, à cette promesse oubliée, qui un jour renaîtra ... Je voudrais pouvoir t'en écrire plus, mais les mots ne me viennent pas. Ce langage que nous partageons, il ne peut me servir que pour ce que nous avons partagé ... que pour ma vie sur Terre. Je peux encore raconter la balançoire en corde de mon enfance, les marmottes dans la montagne, les étoiles, et la douceur de tes yeux, mais pour l'après ... il n'y a plus de langage. C'est tellement plus simple aussi, tu sais. Mais toi, reste-là s'il te plait ... tu te tromperais de chemin en croyant me rejoindre. Termine d'abord celui que tu as sur Terre, parce que tu en as un, et au bout, je t'attendrai. Ne viens pas me rendre visite sur la Croix, je ne suis pas sous la terre, je ne suis plus ce que tu as enterré, alors cesse de l'imaginer, cesse de pourrir tes nuits à penser à mon corps décomposé. Là où il est, il sert sa cause. Et notre Existence sert la Sienne.
J'arrive au bout de ce que je peux t'écrire, mon ange. Je t'aime.

Rendez-vous sur Aventine.

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